Aujourd’hui, en France, les perspectives de croissance sont faibles. Notre balance commerciale est déficitaire. Le lien direct entre l’affaiblissement de l’économie française et le recul de ses activités industrielles et manufacturières est un des problèmes majeurs dans notre beau pays. La France se transforme peu à peu et la désindustrialisation signifie moins d’exportations, moins de centres de R&D et moins de services à valeur ajoutée. Malheureusement, en vingt ans, la France a perdu 1,1 millions d’emplois industriels et depuis 2008, les créations d’emplois dans les services à l’industrie ne compensent plus ces pertes. Le phénomène s’est récemment aggravé. Depuis 2005, la balance commerciale de la France est chroniquement déficitaire. Avec une industrie qui représente aujourd’hui seulement 12,5 % de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie nationale, la France a décroché des principaux pays de l’Europe occidentale.

Notre talon d’Achille est une compétitivité hors prix faible et un niveau de coût de production unitaire élevé. Avec les effets de la mondialisation, cette position lui fait perdre des parts de marché à l’exportation et affaiblit la profitabilité de ses entreprises. Nos concurrents européens font alors de meilleures marges et en profitent pour innover.

Pourquoi redynamiser l’industrie ?

La question peut paraître bête, mais le sujet est réel. Pourquoi faut-il continuer à soutenir une activité qui peut paraître perdue ? Tout simplement parce que l’industrie est synonyme de création de richesses, d’emplois et surtout d’innovation. Les services qui se développent autour de l’entreprise n’auraient plus vraiment de raison d’être sans les industries. De plus, certaines industries se révèlent être hautement stratégiques pour un pays.

Même si la part des services dans l’économie s’accroît, une industrie solide est nécessaire à un équilibre de la balance commerciale qui est possible si les exportations de biens augmentent. En effet, comme la demande en biens industriels des pays développés est importante, il est nécessaire d’importer tous les produits qui ne sont pas fabriqués en France. Exporter est donc la seule manière d’équilibrer la balance.

Par ailleurs, l’opposition entre services et industrie perd son sens. En effet, le développement des services est essentiellement porté par les services aux entreprises, qui croissent bien plus vite que les services aux particuliers. Il faut ainsi considérer le développement industriel et le développement des services comme complémentaires et non comme substituables.

L’importance de l’industrie doit donc être évaluée sur un périmètre correspondant à l’ampleur de son impact économique réel. La baisse de l’emploi industriel direct n’a de sens qu’en tenant compte du quasi-doublement de l’intérim dans l’industrie au cours des années 90 et de l’externalisation importante d’un certain nombre de fonctions vers les services. Le marché de l’emploi reste donc tiré de manière importante par les résultats de l’industrie.

Comment s’en sortent les voisins ?

La compétitivité de l’économie allemande ne repose pas seulement sur les 30 groupes cotés au DAX, l’index des valeurs allemandes, tels que Siemens, Volkswagen, Allianz, SAP ou BASF, elle repose aussi sur des dizaines de milliers de P.M.E./P.M.I. (ayant jusqu’à 500 salariés) travaillant dans l’industrie de transformation, en particulier dans la construction mécanique et la sous-traitance, et dans des domaines riches d’avenir relevant des nanotechnologies et des biotechnologies, celles-ci étant souvent regroupées en grappes industrielles. L’industrie est le pilier important de l’économie allemande. Cinq millions de personnes travaillent dans des entreprises industrielles. La production industrielle classique y joue un rôle prépondérant qu’on ne trouve dans aucun autre pays traditionnellement industrialisé, contribuant à hauteur de 37 % aux performances économiques allemandes.

Que faire en France ?

Le gouvernement a décidé de faire de sa priorité, 34 secteurs de l’industrie. Les objectifs sont divers. L’idée est de porter, réunir, ordonner et financer des plans, tels que la voiture consommant 2 litres aux 100 km, le TGV du futur, les nanotechnologies ou encore les biotechnologies. Etant donné que ces filières d’avenir sont identifiées depuis plus de dix ans, le gouvernement a placé ces 3 plans sous la responsabilité d’un chef d’entreprise.

Pour redresser l’industrie française, l’exécutif insiste sur la nécessité de monter en gamme. “Dans les 34 secteurs sélectionnés, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu, mais collectivement, elles n’ont pas assez innové”, reconnaît Jean-Luc Gaffard. A l’exception des pôles de compétitivité, l’une des réussite de la politique industrielle de ces dernières années, les entreprises françaises perdent des parts de marché à l’étranger. Concurrentes, elles ont du mal à chasser en meute. Cette bataille mondiale ne se gagne pas en trois mois.

La principale préoccupation actuelle, ce sont les investissements, que les entreprises peinent à engager en France, compte-tenu de leurs marges. Le patronat appelle à une baisse du coût du travail, que le gouvernement a en partie accordé, via le Crédit d’impôt compétitivité d’une part, et via la compensation des hausses des cotisations sociales d’autre part. “Il faut aussi comprendre que les difficultés de l’industrie sont liés à une baisse de la demande, organisée par la politique d’austérité européenne”, estime Jean-Luc Gaffard. “Avec un faible pouvoir d’achat, ce sont les producteurs des biens de consommation les plus utilisés qui sont les plus touchés. On le voit avec l’automobile”.

Le recul de la compétitivité industrielle

Derrière le programme présenté, c’est bien l’emploi qui reste la priorité du gouvernement. Les 34 plans sont le résultat d’un an de travail au ministère du Redressement productif. Outre le travail par filière, le gouvernement a commandé un rapport sur les bassins d’emplois industriels, dont il apparaît que les plus touchés sont ceux basés sur une activité unique, expliquait récemment son auteur, l’économiste El Mouhoub Mouhoud.

Plus généralement, il répond au déficit de compétitivité française. ”La part de l’industrie (hors construction) dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 %, en 2000, à un peu plus de 12,5 %, en 2011, nous situant désormais à la 15e place parmi les 17 pays de la zone euro, bien loin de l’Italie (18,6 %), de la Suède (21,2 %) ou de l’Allemagne (26,2 %)”, écrivait l’ancien patron d’EADS Louis Gallois dans son fameux rapport à l’automne dernier.

Trop d’entreprises françaises proposent des produits d’une qualité inférieure à leurs concurrentes allemandes, et plus chers que leurs concurrentes espagnoles. Ce qui a de lourdes conséquences sociales. “L’emploi industriel est passé de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 (5,1 millions de salariés) à 12,6 %, en 2011 (3,1 millions de salariés), la France perdant ainsi plus de 2 millions d’emplois industriels en 30 ans”, rappelle Louis Gallois, aujourd’hui commissaire à l’investissement auprès du gouvernement. Sachant qu’un emploi industriel génère 3 ou 4 emplois hors industrie…