A l’heure où le gouvernement cherche à faire des milliards d’économies, nous nous intéressons au maillage administratif de notre pays. Entre l’État, les régions, les départements, les intercommunalités, les communes… le mille-feuille pourrait peut-être s’alléger. Quelle histoire a conduit à l’établissement de toutes ces couches d’administration ? Y a-t-il des couches superflues ?

Le maillage actuel

La France est le pays qui compte le plus de communes en Europe, avec 36 681 communes au 1er janvier 2014 (dont 36 552 en métropole) pour 66,6 millions d’habitants. La France possède, à elle seule, près de 40 % des communes de l’Union européenne.

Ces structures ayant un coût certain pour les contribuables français puisque le budget des collectivités locales est l’un des budgets qui augmente le plus chaque année, on peut s’interroger quant au bien-fondé de les pérenniser dès lors qu’elles peuvent favoriser  les ambitions personnelles d’un nombre croissant d’élus et de fonctionnaires.

A titre de comparaison, l’Allemagne  compte 11 253 communes (80,6 millions d’habitants) et l’Italie environ 8 000 (60,6 millions d’habitants).

En France actuellement nous avons :

  • Régions : 22 en France métropolitaine (Corse incluse)
  • Départements : 96 en France métropolitaine (Corse incluse)
  • Cantons : 4 055
  • Communes : 36 681

Plus de 31 500 communes ont moins de 2 000 habitants (communes dites rurales),  255 en ont plus de 30 000 dont 11 dépassent les 200 000 habitants. A titre d’anecdote, 6 communes françaises n’ont aucun habitant.

Conséquences d’un maillage trop intensif

Dans un rapport décriant la présence surabondante des Institutions publiques sur le territoire national, les magistrats de la Cour des Comptes diagnostiquent un « partage confus des fonctions ». La Commission Européenne déplore un « manque d’efficience » des collectivités locales hexagonales, fruit d’une mauvaise répartition des compétences couplée à une insuffisance de coordination des acteurs. La clause majoritairement responsable de cet enchevêtrement institutionnel, est la clause de compétence générale qui permet à chaque collectivité d’intervenir dans tous les domaines d’intérêt local. En conséquence, les structures publiques se superposent et les champs d’intervention de ces collectivités s’additionnent, créant  ainsi des doublons, des financements croisés et une illisibilité des actions, tant pour l’usager que pour l’agent administratif.

Conséquence directe de ce trop dense maillage de collectivités locales : un coût exorbitant pour l’État et les contribuables. Atteignant 240 milliards d’euros en 2012 et représentant près de 10 % de la dette publique nationale, les dépenses des collectivités locales ont été multipliées par 2,5 depuis 1990. Problème : après plus de vingt ans de dérives budgétaires et au plus fort de la crise, les collectivités territoriales accusent un nouveau déficit de 3,1 milliards d’euros en 2012, jumelé avec la dette existante s’élevant à 173 milliards d’euros, en hausse d’ailleurs de 4,2 % par rapport à l’année précédente.

Or, de concert, la Cour des comptes et la Commission européenne épinglent les dépenses de fonctionnement des collectivités, en augmentation continue à tous les échelons. Plus spécialement, c’est la « gestion discrétionnaire » des élus qui est visée. En effet, à la différence des services déconcentrés de l’État, dirigés par des fonctionnaires ce qui n’exclut d’ailleurs pas pour autant les dysfonctionnements, les collectivités locales, de la commune à la région, souffrent d’une forte politisation de leur administration. Dénonçant l’incarnation politique et la gestion partisane des collectivités, Robert Hertzog soutient que cette particularité devient naturellement un « marché politique et institutionnel de la dépense publique locale ». Selon lui, la multiplicité des couches administratives et des centres de pouvoir financiers confiés à des « entrepreneurs politiques », génère d’importants gaspillages, fruits d’une concurrence entre les acteurs locaux,  chacun d’entre eux ayant « des clientèles politiques à satisfaire ».

Créées à l’origine pour rationaliser l’action publique locale, les structures intercommunales semblent aujourd’hui en incarner les dysfonctionnements tels qu’absence d’économies d’échelle, compétences redondantes avec d’autres acteurs locaux, doublons, sureffectifs, intérêt communautaire flou voire inexistant, coûts de fonctionnement élevés, etc.

Archétypes de la gestion politique de l’administration locale, les intercommunalités apparaissent comme fortement onéreuses au regard des missions qui leur sont dévolues. Pour preuve, les indemnités de leurs élus ont progressé de 27,8 % en 2009 par rapport à 2007, alors que le nombre de groupements de communes est, quant à lui, demeuré stable sur la période. En conséquence, les émoluments des présidents et vice-présidents d’intercommunalités, dont les états-majors pléthoriques dépassent souvent les trente élus, représentent une enveloppe globale supérieure aux indemnités des conseillers régionaux et généraux réunis. Cette propension à la prodigalité est telle que le législateur a dû fixer un seuil limite quant au nombre de vice-présidents (limité à 15 pour les nouveaux groupements) dans la loi du 16 décembre 2010.

Corolaire de cette inflation des dépenses, les structures intercommunales, qui ont le pouvoir de lever l’impôt, ont fortement recours à la fiscalité additionnelle sur les ménages. La Cour des Comptes dresse d’ailleurs un bilan alarmant concernant le développement de l’intercommunalité, car celui-ci s’est accompagné d’une augmentation exponentielle des impôts locaux à savoir + 96 % pour la taxe d’habitation et + 72 % pour la taxe foncière en moyenne depuis 2000.

Réformes envisagées

De nombreuses tentatives de diminution du nombre de communes ont été entreprises par le passé, notamment en 1959 puisque 350 communes ont alors fusionné  et que depuis 1971, la loi permet aux communes qui fusionnent, de recevoir une aide financière. Or, seulement 1 300 communes s’y sont résolues, certaines d’entre elles ayant le statut de commune associée. Depuis cette date, il y a 1 100 communes de moins en France. La réticence peut néanmoins s’expliquer par plusieurs facteurs d’ordre culturel, économique et surtout politique (notamment électoral). En effet, si l’on prend en considération les aspects géographiques, culturels, économiques et sociaux, la fusion de communes prend alors tout son sens. Là encore, le nombre des élus constitue un obstacle à la logique de gestion et à la recherche du développement de la région de même que la masse salariale des 36 000 maires et leurs adjoints, qui représente environ 90 millions d’euros par an soit un budget de l’ordre de 475 millions d’euros pour la mandature .

Lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, Manuel Valls a présenté une réforme territoriale d’envergure dans laquelle il suggère une réduction de moitié du nombre des régions d’ici à 2017 ainsi que la suppression des Conseils Départementaux « à l’horizon 2021 » en ces mots : « Je propose de réduire de moitié le nombre de régions dans l’Hexagone ». En effet, il existe actuellement 26 régions (dont 22 en métropole). Manuel Valls a également décidé « d’engager le débat sur l’avenir des Conseils Départementaux », nouvelle appellation des Conseils Généraux. « Je vous propose leur suppression à l’horizon 2021 » a-t-il ajouté.

Le nouveau chef du gouvernement a en outre,  proposé « la suppression de la clause de compétence générale » pour les collectivités territoriales. Cette clause permet à une collectivité, qu’il s’agisse d’une région, d’un département ou d’une commune, d’intervenir dans tous les domaines qu’elle juge nécessaires.

Évoquant « quatre changements majeurs susceptibles de dépasser les clivages partisans », il a enfin annoncé « une nouvelle carte intercommunale, fondée sur les bassins de vie », qui entrera en vigueur « au 1er janvier 2018 ». Depuis le 1er janvier dernier, toutes les communes sont regroupées en intercommunalités – communautés de communes, d’agglomérations, urbaines ou futures métropoles. Seule exception, Paris et la petite couronne, en attendant la création en 2016 de la métropole du Grand Paris.

Bien que ces propositions ne puissent pas entrer en vigueur dans ce mandat, les bases d’une réduction drastique des dépenses auront néanmoins été jetées. En effet, cette réforme, si elle est menée à son terme, marquerait la fin des frais jugés superflus. Finie l’uniformité, place à des structures adaptées aux besoins de chacun. Néanmoins, si l’optimisme qui accompagne cette réforme est légitime, la méfiance reste de mise. Une refonte territoriale similaire avait été proposée  il y a peu de temps et avait soulevé farouchement l’opposition…

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