Lorsque vient le moment de céder son entreprise, on s’interroge sur sa valeur. Pour l’évaluer, différentes méthodes existent. Trois sont exposées ici.

Céder sa société, c’est toucher le fruit d’années de travail acharné. Mais une entreprise en bonne santé ne garantit pas une cession réussie ! Bien valoriser une entreprise est un exercice subtil d’équilibre entre le passé et les perspectives futures de la société en question. A la question : « Comment estimer la valeur d’une entreprise ? », les ouvrages spécialisés répondent par une avalanche de calculs plus compliqués les uns que les autres. L’estimation n’est ni un exercice simple, ni une science exacte.

Le prix d’une entreprise fixé par exemple dans le cadre d’une transmission d’entreprise dépend des 4 éléments suivants :

  • la valeur objective de l’entreprise : fixée par un acheteur et un vendeur rationnels lorsqu’ils ont connaissance chacun de toutes les informations relatives à l’entreprise et son environnement,
  • les éléments subjectifs : liés par exemple à la contrainte de vendre rapidement et aux liens affectifs du vendeur vis-à-vis de son entreprise,
  • la qualité de la négociation,
  • la capacité de l’entreprise de dégager un résultat permettant le remboursement du financier.


Pour valoriser une entreprise, il est nécessaire de bien connaître l’entreprise, ses engagements, notamment ceux hors bilan, son passé, ses produits, ses forces et ses faiblesses, ainsi que son environnement. Des informations fiables sont donc nécessaires, en particulier pour le repreneur.

Avant toute négociation, il est nécessaire de fixer ses limites en matière de prix (prix de vente minimal pour le vendeur et prix d’achat maximal pour l’acheteur). En tout état de cause, vu les difficultés à évaluer précisément une entreprise, on calcule souvent une fourchette dans laquelle la valeur se situe (valeur minimale et valeur maximale).

Il existe un panorama des méthodes d’évaluation, qui se répartissent schématiquement en trois catégories : l’évaluation par l’actif net, l’évaluation par un multiple des résultats et l’évaluation par les flux de trésorerie prévisionnels.

Ces outils permettent de cerner la valeur théorique d’une entreprise. Mais ce qui détermine les conditions de vente, on le répètera encore une fois, c’est la négociation, où interviennent de multiples facteurs. Et si nul ne peut être certain de vendre son entreprise au prix auquel il l’a évaluée, un cédant peut se voir proposer plus qu’il n’escomptait.

L’évaluation par l’actif net corrigé pour valoriser une entreprise selon l’approche patrimoniale

Cette méthode consiste à évaluer la valeur patrimoniale d’une entreprise. Sur base du bilan comptable le plus récent de l’entreprise, il convient de reprendre tous les postes de l’Actif et du Passif, de les analyser et d’apporter les corrections nécessaires afin d’avoir une image la plus fiable possible de la réalité économique du bilan. La différence entre l’Actif corrigé et le Passif corrigé correspondra à l’Actif Net Corrigé.

S’agissant des postes d’actifs :

Les immobilisations corporelles doivent être réévaluées à leur valeur de marché et non comptable.

La valorisation des stocks dépend, entre autres, des règles d’évaluation, des méthodes de gestion interne, de la situation technologique et économique des produits. Dans bien des cas, les stocks peuvent être soit sous-évalués soit surévalués.

Les créances commerciales feront l’objet d’un examen attentif. Elles seront nettoyées ou diminuées par les impayés, compte tenu des délais de paiement accordés, des retards de paiement, des créances douteuses et des créances définitivement perdues.

Exceptionnellement, certains points forts d’une entreprise pourraient être valorisés, comme la disposition d’un réseau propre de distribution, l’acquisition d’un véritable know-how interne, etc…
Seule la trésorerie disponible ne pose aucun problème d’interprétation : elle sera pris en compte pour le montant figurant au bilan.

Les titres de placements sont eux aussi, la plupart du temps, pris à leur valeur comptable. Toutefois, si la valeur de marché de certaines actions s’est effondrée, vous devez vous attendre à subir des dépréciations.

Il convient de préciser que les repreneurs ont une fâcheuse tendance à considérer que les actifs se limitent aux biens tangibles inscrits au bilan. Occultant allègrement des éléments aussi importants que le fameux « Goodwill ». Le « Goodwill » est défini comme étant un produit immatériel provenant de la compétence, de la culture propre, de la réputation, du fond de clientèle d’une entreprise. Il s’ajoute à l’actif net corrigé pour déterminer la valeur de l’entreprise et se calcule sur base du résultat obtenu de la différence entre les bénéfices futurs attendus de l’entreprise et les bénéfices qui devraient normalement être réalisés (soit calculé sur base du taux normal d’intérêt du marché, soit calculé par rapport à la rentabilité d’une entreprise de même type). Le montant obtenu est capitalisé sur base d’un taux d’évaluation se composant du taux d’intérêt du marché, d’une prime de risque de l’investisseur et d’une prime de non-liquidité. Le « Goodwill » se calcule sur plusieurs années (maximum 5 ans) en chiffres actualisés.

Il existe de nombreuses façons de le valoriser : le rôle de l’avocat spécialisé est ici essentiel.

S’agissant des dettes :

L’estimation intégrera l’ensemble des dettes à court, moyen et long termes exigibles au moment de la cession. Tout repreneur qui se respecte vérifiera l’exactitude des dettes financières et fournisseurs portées au bilan.

Par ailleurs, il passera les provisions au peigne fin : par exemple, l’entreprise a-t-elle provisionné les congés à payer de l’exercice, d’éventuelles indemnités de licenciement, les indemnités de fin de carrière qui peuvent à elles seules représenter un véritable piège pour le repreneur ?

Ces retraitements jouent parfois au profit du vendeur (lorsqu’on revalorise un terrain pour tenir compte de sa valeur de marché, par exemple), parfois à son détriment (quand la valeur des stocks est revue à la baisse pour cause de dépréciation, par exemple).

Depuis quelque temps, les techniques de valorisation fondées sur l’actif net ont tendance à être délaissées au profit de méthodes plus prospectives tenant compte non plus du patrimoine de l’entreprise, mais de sa capacité à générer des bénéfices et de la trésorerie.

L’évaluation par un multiple de résultat pour valoriser une entreprise en fonction de sa rentabilité

On considère qu’une entreprise vaut par sa rentabilité, sur la base d’un multiple de ses résultats (résultat net, résultat d’exploitation, marge brute d’autofinancement ou autre).

Le résultat pris comme référence :

Certains experts fondent leurs calculs sur le bénéfice net, approche qui a le mérite de la simplicité mais qui peut être faussée par le jeu des charges et profits exceptionnels.

D’autres préfèrent se focaliser sur le résultat brut d’exploitation ou sur le résultat courant (résultat d’exploitation + résultat financier).

D’autres, encore, sur la marge brute d’autofinancement, voire sur les fameux critères anglo-saxons que sont l’EBIT (« earning before interest and tax », c’est-à-dire résultat net avant frais financiers, éléments exceptionnels et impôt sur les sociétés) ou l’EBITDA (« earning before interest, tax, depreciation and amortization », le même que le précédent auquel on rajoute les amortissements).

De même, on se réfère, suivant les cas, aux performances du dernier exercice, aux prévisions de l’année en cours, ou encore à la moyenne des résultats de plusieurs exercices.

Le coefficient multiplicateur :

Quant au coefficient multiplicateur, il dépend en premier lieu du secteur d’activité : plus ce dernier est considéré comme risqué, plus le multiple est faible. Et surtout, une société est d’autant mieux valorisée qu’elle possède un fort potentiel de croissance.

Néanmoins, la méthode des coefficients multiplicateurs doit être employée avec prudence, notamment lorsque la fourchette des multiples est large.

Veillez à choisir la base d’évaluation servant le mieux vos intérêts : si les derniers résultats n’ont pas été fameux mais les précédents meilleurs, défendez une estimation sur la moyenne des trois derniers exercices. A l’inverse, si les résultats progressent régulièrement depuis plusieurs années, argumentez pour que les bénéfices de référence soient ceux du dernier exercice ou, mieux, les prévisionnels de l’année en cours.

L’évaluation par les flux de trésorerie prévisionnels pour valoriser une entreprise selon ses perspectives d’avenir

Dans cette approche, on considère que la valeur de l’entreprise est égale à la somme des flux de trésorerie (cash-flows) prévisionnels susceptibles d’être dégagés au cours des cinq à dix prochaines années.

Comment calculer les flux de trésorerie ?

Le moins que l’on puisse dire est que les pratiques diffèrent selon les experts. Toutefois, beaucoup s’accordent sur le fait que, pour calculer le cash généré par un exercice, le mieux est :

  • d’additionner le résultat d’exploitation net d’impôts et les dotations aux amortissements et provisions,
  • puis de déduire du montant obtenu les amortissements d’exploitation, l’augmentation du besoin en fonds de roulement et les investissements.

La projection de ces flux dans le temps :

Après s’être entendus sur la définition exacte des cash-flows, le vendeur et l’acheteur doivent se livrer à un exercice aussi ardu que subtil : imaginer comment évolueront, sur l’horizon de temps retenu (le plus souvent compris entre cinq et sept ans), le résultat d’exploitation, les amortissements et provisions ainsi que le besoin en fonds de roulement.

Leur travail prospectif doit aussi permettre de chiffrer quels investissements (incorporels, corporels et financiers) seront nécessaires pour assurer la pérennité et le développement de l’entreprise !

Et ce n’est pas tout : une fois calculés les cash-flows résultant de ces projections, il reste à les actualiser, c’est-à-dire à estimer combien ces sommes que le repreneur percevra dans un, trois ou sept ans représentent en francs actuels.

Et ce n’est pas tout : une fois calculés les cash-flows résultant de ces projections, il reste à les actualiser, c’est-à-dire à estimer combien ces sommes que le repreneur percevra dans un, trois ou sept ans représentent en francs actuels.

C’est ce qui finit de donner au dispositif sa cohérence. En effet, de l’argent à venir vaut moins que de l’argent disponible aujourd’hui : d’une part, on n’est pas certain de le percevoir et, d’autre part, on est privé de la possibilité de le placer.

Pour tenir compte de ce phénomène, il est nécessaire de déterminer ce que les spécialistes appellent un taux d’actualisation. Ce dernier est fonction des anticipations en matière de taux d’intérêt et d’inflation, ainsi que du risque que représente l’entreprise rachetée. Autant dire que l’exercice tient de la haute voltige !

La valorisation par les flux de trésorerie a été, pendant un temps, favorable aux entreprises affichant des pertes mais supposées dotées d’un très fort potentiel de développement. C’est elle qui a permis aux start-up de drainer d’énormes montants de capital-risque. Mais cette époque a vécu : les investisseurs sont devenus très prudents dans leurs estimations de cash flows prévisionnels…