Tout d’abord, considérons que nous parlons des gros clubs où les sportifs sont des joueurs professionnels. Ces derniers sont liés aux clubs par des contrats de plus ou moins longue durée.

Les clubs investissent dans leurs formations, leurs salaires et leurs entraînements. En échange, les joueurs font gagner de l’argent à leurs clubs grâce à leurs talents en jouant les matchs et à leur notoriété en créant des revenus publicitaires.

La comptabilisation du capital humain est une idée qui semble avoir été intronisée par William Petty, un économiste et philosophe anglais du 17e siècle. Il a voulu mesurer et prouver la puissance de l’Angleterre en utilisant une valeur de 80£ par tête pour estimer le capital du pays. Dans les années 1970, la comptabilisation des ressources humaines évolue. Etant donnée la difficulté de faire la différence entre ce qui relève de l’investissement et ce qui relève des charges dans les dépenses de ressources humaines, la comptabilité a traditionnellement choisi de considérer ces coûts comme des charges, respectant ainsi le principe de prudence.

Mais avec la hausse des sommes en jeu et la place toujours plus importante des joueurs dans le patrimoine du club, les recommandations comptables ont évolué. Ainsi, le contrat de joueurs n’est plus une simple charge, mais il est devenu un élément du patrimoine, un actif et plus précisément une immobilisation incorporelle, comme une voiture, une machine ou une usine. Pour autant, il n’est pas considéré comme une « unité génératrice de trésorerie » qui est le statut de l’équipe dans son ensemble. Comme c’est le cas avec les autres actifs immatériels, une telle reconnaissance n’est admise que lorsque le contrat est le résultat d’une transaction.

Les joueurs formés par le club qui les emploie, ne peuvent pas être considérés comme des actifs, même s’ils sont la cause d’investissements importants, comme par exemple la construction d’un centre d’entraînement. Les coûts ne peuvent être analysés que d’une manière globale. Ils ne peuvent être individualisés ce qui pose ensuite le problème du coût réel de la formation d’un joueur devenant professionnel. Il s’agit d’un problème relatif aux investissements incorporels puisqu’ils sont souvent liés et donc difficilement dissociables. Cela pose ensuite des problèmes pour l’activation de l’immobilisation puisque la définition d’un actif prévoit que l’élément soit identifiable, c’est-à-dire séparable. De plus, les critères de comptabilisation prévoient que l’entreprise doit pouvoir évaluer le coût avec une fiabilité suffisante. Ce système permet à des clubs de se former un effectif professionnel à un coût moins élevé que s’ils devaient recruter à l’extérieur.

Avis du CNC n° 2004-12 du 23 juin 2004 :

L’article 211-1 du règlement n° 99-03 du CRC relatif au plan comptable général prévoit que « tout élément de patrimoine ayant une valeur économique pour l’entité, est considéré comme un élément d’actif.»

L’avis relatif à la définition, la comptabilisation et l’évaluation des actifs qui s’inspire des normes de l’IASB, complète la définition actuelle par les termes suivants « un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive, c’est-à-dire un élément générant une ressource que l’entité contrôle du fait d’événements passés ; et dont elle attend des avantages économiques futurs.»

L’avis susvisé reprenant les dispositions de la norme IAS 38, prévoit une condition supplémentaire pour les immobilisations incorporelles à savoir leur caractère identifiable. « Une immobilisation incorporelle est identifiable si : elle est séparable des activités de l’entité, c’est-à-dire susceptible d’être vendue, transférée, louée ou échangée de manière isolée ou avec un contrat, un autre actif ou passif ; ou elle résulte d’un droit légal ou contractuel même si ce droit n’est pas transférable ou séparable de l’entité ou des autres droits et obligations ».

Le joueur est-il une immobilisation incorporelle pour son club ?

Une immobilisation est un élément identifiable du patrimoine (séparable des activités, susceptible d’être transféré et évalué avec une fiabilité satisfaisante) ayant une valeur économique positive pour l’entité, qui sert l’activité de façon durable et ne se consomme pas par le premier usage.

  • Comme l’activité est particulièrement médiatisée, la performance opérationnelle des différents acteurs est connue en temps réel et la mobilité de l’effectif (joueurs, entraîneurs, managers) est souvent anticipée et largement commentée. Les immobilisations peuvent donc être évaluées avec fiabilité.
  • Les contrats à temps limité qui lient les joueurs aux clubs qui les « possèdent » sont – malgré les clauses libératoires qui en limitent la portée – des éléments de contrôle manifeste.
  • Troisième point, le nombre des transactions effectivement enregistrées aide à identifier les éléments pertinents pour la détermination de la valeur de marché des joueurs. Certaines bases de données sont spécialisées dans ce domaine.
  • Finalement, un joueur de football, bien qu’il ne soit pas un centre de profit autonome – il ne pourrait jouer seul –, est un actif que l’on peut facilement isoler du reste de l’équipe et qui peut ainsi être transféré séparément

Le joueur sous contrat doit donc être considéré comme une immobilisation incorporelle.

Pourtant, l’incertitude pèse sur les résultats futurs puisqu’il est impossible de prévoir une blessure ou un scandale. Il y a même une faible association entre le montant des actifs incorporels et les profits futurs ce qui les conduit à remettre en question la méthode. Il existe toutefois un lien positif et significatif entre l’investissement dans les contrats des joueurs et la valeur de marché du club. Mais est-ce réellement du capital humain ? Au moins deux éléments contribuent à en douter :

  • Les performances opérationnelles et le talent individuel ne sont pas les seuls déterminants de la valeur de cession d’un joueur. Son âge, son statut d’international, son rôle dans l’équipe (attaquant, défenseur, etc.) et d’autres de ce genre ont également un impact significatif sur la valeur. Certaines recherches mettent même en évidence un lien avec la célébrité.
  • Les résultats sur le terrain (perdre ou gagner des compétitions) sont loin d’être les seuls paramètres du chiffre d’affaires d’un club. L’arrivée d’une star ne vise pas seulement à améliorer l’efficacité sportive de l’équipe mais elle sert aussi à accroître le nombre de supporteurs, à augmenter la couverture médiatique, à vendre davantage de maillots, attirer de nouveaux sponsors, etc.