Pour moderniser le droit des contrats et des obligations, c’est la voie de l’ordonnance qui a été choisie.

Les ordonnances sont connues de l’histoire constitutionnelle française puisqu’elles existaient déjà sous les IIIe et IVe Républiques sous le nom de décrets-lois. En France, sous l’empire de ces deux Républiques, le décret-loi était une extension exceptionnelle du pouvoir réglementaire dans le domaine législatif, autorisée par une loi d’habilitation votée par le Parlement. Sous la IIIe République, le recours aux décrets-lois était devenu si fréquent que la Constitution de 1946 de la IVe République l’interdit. Puis, c’est sous la Ve République que  le principe de l’ordonnance a été consacré par la Constitution française du 4 octobre 1958 à l’article 38 qui dispose : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »

Cette procédure « accélérée » permet de légiférer sans passer par le processus parlementaire classique. Les ordonnances présentent l’avantage d’entrer en vigueur dès leur publication.

C’est donc seulement à l’ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution que nous nous intéresserons puisque c’est le cas de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Cette réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations que porte l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 rend le code civil plus accessible dans l’éventualité d’une future uniformisation du droit des contrats à l’échelle européenne, permet une meilleure prévisibilité des solutions et montre une volonté d’efficacité et de protection de la partie faible. Elle modifie la partie du code civil relative au droit des contrats et restructure notamment le plan du livre III du code civil. Elle vise ainsi à distinguer clairement les règles qui relèvent des obligations en général, de celles qui relèvent des contrats en particulier :

  • Le titre III « Des sources d’obligations » (art. 1100 à 1304-4) est articulé de la façon suivante :
    • Sous-titre I « Le contrat », Ch. I « Dispositions liminaires », Ch. II « La formation du contrat », Ch III. « L’interprétation du contrat », Ch IV « Les effets du contrat »
    • Sous-titre II « La responsabilité extracontractuelle »,
    • Sous-titre III « Autres sources d’obligations »
  • Le titre IV « Du régime général des obligations» (art.1304 à 1352-9)
  • Le titre IV BIS « De la preuve des obligations » (art. 1353 à 1386-1)

Cette ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (III) prise conformément à la loi d’habilitation n° 2015-177 du 16 février 2015 (II) s’est pleinement inspirée des apports de la doctrine française. Dans une économie mondialisée, elle a bénéficié des travaux au niveau européen et international en matière de droit des obligations (I).

I – Des projets français et internationaux dans un environnement économique concurrentiel

A – Intérêt de la réforme dans une économie mondialisée

Le droit français des obligations n’avait pas été réformé en profondeur depuis la création du code civil en 1804 alors même que nous sommes dans l’ère de la mondialisation et que le droit civil est en concurrence avec le système de la Common Law (c’est la « loi faite par le juge ». Dans ce système, la première source du droit est la jurisprudence par opposition au droit civiliste ou codifié). Le Code civil allemand (BGB Bürgerliches Gesetzbuch) entré en vigueur en 1900, a été réformé dans sa partie « droit des obligations » en 2001. On comprend ainsi qu’un droit des contrats modernisé, mieux adapté à la vie des affaires, aux enjeux d’aujourd’hui, renforce l’attractivité du droit français en particulier dans les domaines économique et politique car il peut alors être choisi par les parties dans les contrats internationaux, voire être pris comme modèle par le législateur de pays émergents ce qui participerait du renforcement de la position des pays de tradition romano-germanique face à ceux de Common law.

B – Des sources nobles pour une réforme ambitieuse

Historiquement, la construction de la réforme du droit des obligations s’est faite sur la base de travaux académiques, avant-projets de la Chancellerie, projets européens/internationaux et de solutions prétoriennes. L’âme de la réforme s’est ainsi nourrie de profondes réflexions issues de projets européens et internationaux tels que les principes Unidroit, élaborés par l’institut international pour l’unification du droit privé, publiés en 1994 et 2004, les principes du droit européen des contrats rédigés par la commission pour le droit européen des contrats, dite « commission Lando », de 1995 à 2003, le projet de code européen des contrats, dit « code Gandolfi », publié en 2000, le projet de cadre commun de référence, qui couvre tout le droit privé et qui a été remis à la Commission européenne en 2008, et enfin les principes contractuels communs élaborés par la société de législation comparée et l’association Henri Capitant des amis de la pensée juridique française, publiés en 2008.

En France, une démarche de révision des titres III et IV du livre III du code civil a été initiée dans le cadre de travaux académiques d’une importance majeure que sont le projet Catala1 et le projet Terré dont s’est inspirée la Chancellerie.

Cette réforme consiste aussi en une codification des solutions jurisprudentielles produites depuis deux cents ans qui ont comblé des vides juridiques.

Pour engager la réforme par ordonnance, le Gouvernement a dû y être autorisé par le biais de la loi d’habilitation.

Navigation dans l’article :

Partie 1 : Réforme du droit des contrats – Projets français et internationaux
Partie 2 : Réforme du droit des contrats – Une loi pour habiliter le Gouvernement
Partie 3 : Réforme du droit des contrats – Le régime juridique de l’ordonnance

Par Publié le : 13 janvier 2017Catégories : Economie, Gestion et Finance0 CommentaireMots-clés : ,