L’ABS n’est pas uniquement un système de freinage sur les voitures ! L’ABS est également un acronyme d’ “abus de bien social”. On en parle souvent dans la presse, il est redouté des gérants qui flirtent avec l’illégalité ; il est traqué par l’administration fiscale…

L’abus de biens sociaux est une infraction qui se porte bien. Avec plus de 500 condamnations par an, dans 59 % des cas, l’infraction est commise par un dirigeant de SARL et dans 40 % par un dirigeant de société par action. Toujours dans les statistiques, 53 % des dirigeants reconnus coupables, ont été condamnés à de la prison avec sursis, 26 % à une amende et seulement 15 % à de la prison ferme.

L’abus de biens sociaux est, par nature, une infraction instantanée qui est constituée à chaque fois qu’un dirigeant utilise à des fins personnelles, les moyens de la société de manière contraire à son intérêt social.

Le délit d’abus de biens sociaux

En France, l’abus de biens sociaux est un délit pénal qui consiste, pour un dirigeant de société commerciale, à utiliser en connaissance de cause les biens, le crédit, les pouvoirs ou les voix de la société à des fins personnelles, directes ou indirectes.

Rappelons les articles du Code de Commerce qui exposent les règles en la matière :

Article  L. 241-3 du Code de commerce : Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros :
Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

Article  L. 242-6 du Code de commerce : Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros :
Le fait pour Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

 

Les chiffres :

  • 500 condamnations par an

Par qui est commise l’infraction ?

  • 59 % par un dirigeant de SARL
  • 40 % par un dirigeant de société par action

Les condamnations

  • 53 % de la prison avec sursis
  • 26 % une amende
  • 15 % de la prison ferme

 

Les peines maximum encourues sont lourdes en apparence, 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amendes… Mais quels faits sont exactement reprochés ? L’abus de biens sociaux est une des formes possibles du détournement de biens. Il faut rappeler plusieurs notions de droit des sociétés pour bien comprendre les fondements du délit.

Personne morale / Personne physique

Lorsqu’un ou plusieurs individus forment une entreprise, de quelque nature qu’elle soit, il y a la création d’une personne morale, si elle a acquis la personnalité morale en s’immatriculant au RCS (Registre du Commerce et des Sociétés). Ainsi, lorsqu’un individu crée seul une structure juridique (auto-entrepreneur, profession libérale, artisan, entreprise individuelle, EURL), celle-ci aura la personnalité morale, qu’elle soit une société civile, ou une entreprise commerciale ou pas, si elle est immatriculée auprès d’autres organismes qu’au RCS. C’est cette personnalité morale qui permet à la structure juridique d’être directement titulaire de droits et d’obligations. L’effet essentiel de la personnalité morale se retrouve dans la capacité juridique de la personne morale. Tout d’abord la capacité d’exercice, dans la mesure où elle peut agir par elle-même. Elle est représentée par ceux qui la dirigent ou la représentent. Ensuite la capacité de jouissance : la capacité des personnes morales est limitée par le principe de spécialité. Elles ne peuvent accomplir que les actes qui sont prévus à leur objet.

Le schéma est un petit peu plus simple dans le cas d’une personne physique. C’est, au sens du droit, un être humain auquel on a attribué la jouissance de droits.

Le délit pénal est donc avéré quand une personne physique utilise des biens ou du crédit de la société pour un usage qu’elle sait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle elle est intéressée directement ou indirectement. On a tous en tête les expressions comme “taper dans la caisse” ou “rétrocession”. Dans le premier cas, l’abus de bien social est direct, dans le second, il est indirect et passe par un tiers ou une société tierce. Ce ne sont pas les seuls abus pratiqués…

L’abus de bien social est un fait exécuté par un dirigeant

L’abus de biens sociaux se caractérise par un élément matériel, l’usage par le dirigeant social des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix de la société, et par un élément moral, la mauvaise foi de l’auteur qui agit à des fins personnelles directes ou indirectes.

Cela signifie que pour qu’il y ait abus de bien social, il faut que les patrimoines des entités soient séparés. Les sociétés en nom collectif, mais aussi les sociétés en commandite simple, sociétés civiles autres que les sociétés civiles de placement immobilier, les associations, les groupements agricoles ou les groupements d’intérêt économique, ne sont pas concernés par cette infraction. En revanche, ce sont les sociétés à risque limité qui en sont la cible car le patrimoine du gérant propriétaire, est différent du patrimoine de l’entreprise. Sont concernées, les Sociétés Anonymes, les Sociétés par Action Simplifiée, les Sociétés à responsabilité limitée, les Sociétés en Commandite par Actions, les Sociétés Coopératives, les Sociétés d’Assurance, les Sociétés Civiles de Placement Immobilier, les Sociétés dont l’objet est la construction et les Caisses d’Épargne.

La jurisprudence a exclu d’appliquer l’infraction alors que la victime était une société ayant son siège dans un pays étranger (Cass. crim. 3 juin 2004 ; en l’espèce il s’agissait d’une société dont le siège était situé à Jersey). Une société de droit étranger ne peut être victime que d’un abus de confiance.

Le délit pénal doit donc être le fait d’un dirigeant social et porter sur les biens, le crédit, les pouvoirs ou les voix de la société au sein de laquelle il exerce ses fonctions. Pour que l’on parle d’abus de biens sociaux, il faut que la personne physique possède les pouvoirs de direction lors des faits délictueux. Il se peut que la personne ait entre temps perdu ses pouvoirs.

Les textes précisent que les dirigeants sociaux sont “punissables”. Voilà de qui il s’agit :

  • Dans les sociétés anonymes : les présidents de Conseil d’administration, les administrateurs, le directeur général, le directeur général délégué, le président du directoire, les membres du directoire, les membres du conseil de surveillance;
  • Dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL et EURL) : les gérants (personnes physiques);
  • Dans les sociétés par actions simplifiées : les dirigeants et les présidents (personnes physiques ou morales).

Les dirigeants de fait : ce sont ceux qui dirigent une société sans avoir été régulièrement investis par les organes sociaux du pouvoir de représenter la société;

Le liquidateur amiable : le liquidateur judiciaire qui commet des malversations sera poursuivi sur le fondement des infractions spécifiques le concernant prévues aux articles L. 620-1 et suivants du code de commerce.

L’usage abusif

Puisqu’on distingue la personnalité juridique du dirigeant et de l’entreprise, les intérêts peuvent parfois diverger. L’exemple est facilement compréhensible lorsque l’on parle d’une PME où le dirigeant s’octroierait une rémunération démesurée par rapport à la capacité de l’entreprise. Par contre, dans le cas d’une petite structure, où le gérant achète dans une grande surface, du papier pour imprimante pour la boîte ainsi qu’une ramette pour son imprimante personnelle… Effectivement me diriez-vous, le délit est de petite envergure, mais il existe tout de même.

L’usage abusif est l’usage contraire à l’intérêt social. Il peut résulter d’actes positifs, telles que l’appropriation ou la dissipation de biens sociaux mais également, comme l’a admis la Cour de cassation, d’une omission d’agir. C’est le cas dans lequel un dirigeant social s’abstient intentionnellement de réclamer à une autre société, dans laquelle il a des intérêts, le paiement des livraisons effectuées.

De manière générale, les actes contraires à l’intérêt social se divisent en deux catégories :

  • les actes sans aucune contrepartie : dans cette hypothèse, le dirigeant social fait réaliser par la société des actes dont la nature peut être très variée (cautionnement, cession, dons, acquisition, prêt etc.) mais qui ne peuvent trouver aucune justification économique,
  • les actes faisant courir à la société un risque disproportionné : ces actes ont une contrepartie prévisible mais font courir à la société un risque disproportionné. Un dirigeant qui conclut pour sa société une affaire excédant ses capacités ou pouvant de manière prévisible, remettre en cause son existence, commet le délit.

L’abus de biens sociaux peut se caractériser de tant de façons différentes ! L’utilisation de biens de la société à d’autres fins que pour celle de son objet est également proscrite. De même, les actionnaires ou les propriétaires des parts sociales doivent prendre leurs décisions et utiliser leurs pouvoirs sociaux dans l’intérêt de la société et non dans leur intérêt personnel. Dans ce dernier cas, le délit n’existe que si le dirigeant a usé des voix dont il disposait de manière contraire à l’intérêt social pour obtenir, de mauvaise foi, un avantage personnel. Cependant, même en cas d’échec, dans le cas où le dirigeant serait mis en minorité, l’infraction n’en serait pas moins constituée et punissable.

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Par Publié le : 19 octobre 2015Catégories : Business1 CommentaireMots-clés : , , ,