Chaque année, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie le montant des dépenses de santé de l’année précédente. Nous pouvons donc analyser de façon détaillée la consommation de soins de santé en France et la manière dont ils sont financés, qu’ils relèvent de l’Assurance maladie, de l’État, des collectivités locales, des organismes complémentaires ou directement des ménages.

Bien que l’année 2020 ait été marquée par la pandémie de Covid-19, la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) a connu le rythme de croissance le plus faible jamais enregistré depuis 1950. 3 secteurs ont particulièrement contribué à la hausse des dépenses : les soins hospitaliers publics, les dépenses de laboratoires d’analyses et les soins infirmiers. Les autres secteurs ont vu leur volume de soins chuter pendant le premier confinement.

En 2020, c’est donc 209,2 milliards d’euros qui ont été consacrés à la consommation de soins et de biens médicaux. Cela représente 9,1 % du PIB, soit en moyenne 3 109 euros par habitant.

Malgré une baisse du volume de soins liée aux déprogrammations lors de la 1ère vague épidémique, la croissance de la rémunération des personnels (majoration des heures supplémentaires, versement de primes exceptionnelles, revalorisations dans le cadre des accords du Ségur de la santé), les dépenses des laboratoires d’analyses (analyse des tests de dépistage de la Covid-19) et les soins infirmiers (prélèvements nasopharyngés pour les dépistages antigéniques et PCR) ont formé ce résultat.

On peut donc s’attendre à une hausse plus importante de la consommation de soins et de biens médicaux lorsque les soins seront reprogrammés.

Comment les hôpitaux sont-ils financés en France ?

La France est le pays de l’Union Européenne où le reste à charge des ménages en santé est le plus faible.

L’essentiel du financement de l’activité des hôpitaux provient de l’assurance maladie. Il émane des cotisations sociales versées par les employeurs, les salariés et les travailleurs indépendants. L’assurance maladie est l’une des branches de la sécurité sociale, qui couvre les risques maladie, invalidité, vieillesse, décès, veuvage et maternité.

Chaque année, le Parlement vote une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Celle-ci :

  • approuve l’orientation de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs déterminant les conditions générales de son équilibre financier ;
  • prévoit, par catégorie, les recettes de l’ensemble des régimes de base ;
  • fixe, par branche, les objectifs de dépenses des régimes de base ;
  • fixe l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Avant la réforme de 2004

Auparavant, les établissements de santé connaissaient des modes de financements différents selon leur nature juridique.

A partir de 1983, l’Etat a alloué une dotation globale aux établissements publics de santé et aux établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH).

Cette enveloppe de fonctionnement était calculée en fonction du nombre de journées d’hospitalisation? et reconduite, chaque année, sur la base de l’exercice précédent, modulée d’un taux directeur de croissance des dépenses hospitalières.

Les établissements de santé privés à but lucratif, quant à eux, facturaient directement à l’assurance maladie des forfaits de prestations (rémunération de la structure) et des actes (rémunération des professionnels de santé libéraux), sur la base de tarifs historiques, variables géographiquement et négociés avec les agences régionales de l’hospitalisation (ARH). Les forfaits de prestations étaient encadrés par des objectifs quantifiés nationaux (OQN) visant à assurer une régulation du financement par rapport à l’activité. Ces établissements bénéficiaient, d’ores et déjà de paiements à l’activité, sur la base de tarifs régionaux variables et non sur celle d’un tarif national unique.

Depuis la réforme de 2004

La réforme de l’assurance maladie a complètement modifié le mode de financement de l’hôpital et son fonctionnement. On parle maintenant de tarification à l’activité (T2A). Les coûts sont désormais détaillés, afin d’identifier les différentes activités de l’hôpital. Ce mode de financement des hôpitaux s’appuie sur l’activité réalisée. Il a profondément bouleversé pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). La grande majorité des ressources hospitalières dépend désormais du nombre et de la nature des actes et des séjours réalisés.

Le budget d’un hôpital correspond dorénavant plus à un état prévisionnel des recettes et des dépenses, car ce sont les produits de l’activité qui déterminent les ressources de l’hôpital. Et, bien que les établissements soient autonomes dans leur gestion, ils sont soumis aux contrôles exercés par les pouvoirs publics (agence régionale de santé, chambre régionale des comptes…).

La répartition moyenne du budget hospitalier est la suivante :

  • dépenses de personnel : 67% ;
  • achats de médicaments et de dispositifs médicaux : 15% ;
  • autres achats : 9% ;
  • amortissements et frais financiers (bâtiments, matériel…) : 9%.

Désormais, les ressources sont calculées à partir d’une mesure de l’activité produite conduisant à une estimation de recettes. Le prix de chaque activité est fixé chaque année par le ministre chargé de la santé via le mécanisme des « groupe(s) homogène(s) de séjour » (GHS) / « groupe homogène de malades » (GHM).

C’est cette T2A qui cristallise les tensions à l’hôpital. Ce principe de tarification représente aujourd’hui 70 % des ressources des hôpitaux publics et est aussi le mode de financement des établissements de santé privés.

Les patients sont informatiquement classés dans un groupe avec un code en fonction du diagnostic et des actes médicaux pratiqués. A chacun de ces groupes (près de 2 300), le ministère de la santé applique chaque année un tarif, sur la base duquel l’Assurance-maladie rembourse l’établissement.

Le maintien d’autres sources de financements

Un nombre important de missions assurées par les établissements est financé par les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation interne (MIGAC), dont les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI). Ces financements concernent en fait les activités difficilement identifiables par patient (actions de prévention, dépistage, par exemple) ou nécessitant une permanence quel que soit le niveau effectif d’activité (SAMU, centres anti-poison, équipes mobiles de liaison, par exemple). Ces missions sont clairement identifiées et rémunérées par établissement, d’après une liste nationale.

Certaines activités spécifiques telles que les urgences, la coordination des prélèvements d’organes et les greffes font l’objet d’un financement forfaitisé. Les coûts fixes de ces activités sont financés par des forfaits annuels (près d’un milliard d’euros par an pour l’ensemble).

Certains médicaments onéreux et dispositifs médicaux sont pris en charge en sus des tarifs de prestations. La liste de ces médicaments fait l’objet de mises à jour régulières, par arrêté du ministre en charge de la santé et sur recommandations du conseil de l’hospitalisation.

L’évolution de la T2A

Une importante réforme des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) est effective depuis 2008. Elle a eu pour objet, au-delà d’un socle de base, de répartir les financements en tenant compte d’indicateurs simples : nombre de publications (issu du logiciel SIGAPS déployé dans les établissements), nombre d’étudiants hospitaliers, nombre de brevets et de logiciels déposés lors des 5 dernières années.

Une évolution conséquente de la classification des séjours est opérationnelle depuis 2009, avec la mise en œuvre d’une version 11 qui constitue la 3ème grande étape de l’adaptation de la classification des GHM à la T2A. Entrée en vigueur le 1er mars 2009, la V11 permet d’améliorer de manière significative l’homogénéité des GHM et, par ailleurs, de valoriser plus justement les séjours les plus lourds.

La nouvelle classification introduit 4 niveaux de sévérité par racine de GHM, portant le nombre total de GHM de 800 à 2 300, avec pour objectif de mieux hiérarchiser la valorisation des séjours en fonction de leur lourdeur.

Par ailleurs, des ajustements sont réalisés en permanence en fonction des besoins remontés par les fédérations hospitalières et les professionnels de santé.

Ces ajustements réguliers ont pour finalité d’améliorer ce qui a été fait jusqu’à présent dans le dispositif d’allocation des ressources et d’aller plus loin dans l’efficacité, la transparence et l’équité.

On citera notamment les derniers travaux réalisés sur les réanimations adultes et pédiatriques ou encore la surveillance continue.

Les avantages de la T2A

Quoi qu’il soit dit, la T2A présente des avantages certains. Elle assure en effet une plus grande transparence dans le financement des soins hospitaliers en liant le financement à la production des soins. Le système est un mécanisme « équitable » dans la mesure où on paie le même prix pour un même service pour tous les fournisseurs de soins. Cette équité dépend toutefois de la fiabilité de la classification de l’activité en groupes tarifaires : il est impératif que cette classification soit suffisamment fine, et les groupes suffisamment homogènes, pour que les établissements qui attirent systématiquement les patients les plus lourds ne soient pas pénalisés. Il faut également bien prendre en compte les facteurs exogènes liés au contexte local et que les établissements ne contrôlent pas, car ils peuvent avoir une incidence substantielle sur les coûts.

Les effets pervers possibles de la T2A

L’application d’une T2A peut induire des effets non souhaités au départ. À cet égard, il est particulièrement important de prêter attention aux conséquences de la T2A sur la qualité des soins et sur la maîtrise des dépenses de santé.

Rien dans un système de T2A ne permet de présager de l’amélioration de la qualité des soins. Ceci est d’ailleurs aussi valable dans un système de financement par budget global. Toutefois, la T2A est souvent critiquée car elle fournit, des incitations directes à réduire le coût des séjours. Or, toute la question réside dans la légitimité de ces réductions de coûts. S’il est possible, et souhaitable, d’y parvenir par le biais d’un fonctionnement plus efficient, une autre stratégie possible consiste à réduire les soins fournis aux patients, ce qui peut représenter une manière « d’économiser » aux dépens de la qualité.

Comment définir le tarif de l’acte ?

Il faut pouvoir identifier correctement les coûts liés à un séjour hospitalier. Il se peut que la différence de coûts observée entre les établissements ne reflète pas simplement les différences de coûts réels mais également les différences dans les modes de comptabilisations des coûts des séjours. À ce titre, il est important de s’assurer que l’on peut identifier et démontrer que les disparités de coûts reflètent le recours à des « pratiques cliniques » différentes qui sont justifiées. Il est également important de pouvoir distinguer les coûts variables, générés par les soins directs reçus par le patient que les établissements peuvent maîtriser ou ajuster, des coûts fixes sur lesquels ils ont peu de marge de manœuvre.

Par ailleurs, la méthode utilisée pour mesurer les coûts a également un impact important sur les résultats. Concernant la performance des hôpitaux, il a été démontré qu’une partie des variations de coûts observées provenait de différences de méthodologies employées pour calculer ces coûts.

Les deux éléments clés de la méthodologie sont les suivants :

  • le niveau de précision avec lequel les coûts sont identifiés, soit à un niveau macro soit à un niveau micro ;
  • le mode d’allocation des coûts aux différentes prestations, qui peut être réalisé selon une démarche descendante ou ascendante.

Dans un modèle macro, les coûts sont calculés à partir des données comptables des hôpitaux à un niveau agrégé par journée alors que dans un modèle micro, tous les déterminants du coût sont mesurés au niveau le plus détaillé possible.

Dans une démarche descendante, les coûts sont distribués d’abord sur les services et ensuite sur les séjours à l’aide d’une clé de répartition, conduisant in fine à un coût moyen par patient.

La pertinence de cette méthode dépend de l’exactitude des données financières et notamment de leur actualisation. À l’inverse, dans une démarche ascendante, les coûts sont calculés en identifiant les ressources réelles utilisées pour chaque patient conduisant à un coût unitaire spécifique patient. Ceci nécessite un système informatique comptable très détaillé pour rendre compte de tous les aspects des soins fournis pendant un séjour.

Le modèle micro est considéré comme supérieur pour mesurer les composantes de coûts qui sont censées varier de manière significative entre les patients et pour les services qui présentent une part importante de coûts de personnel. Mais, en pratique, des méthodes intermédiaires, combinant ces deux approches, sont souvent employées en exploitant au maximum l’information recueillie sur les patients pour développer des clés de répartition qui sont ensuite appliquées aux données administratives.

En France, les informations de coûts ayant permis la construction de la T2A provenaient uniquement d’une cinquantaine d’établissements publics qui ont participé aux différentes versions successives de l’Étude nationale des coûts (ENC). Dans l’ENC, le recueil des coûts s’opère essentiellement selon une méthode descendante. L’avantage majeur de cette approche est d’éviter un investissement trop lourd en systèmes d’information comptable. En revanche, on sait qu’une telle méthode possède certaines limites car les coûts y sont distribués en fonction d’une clé de répartition prédéterminée. On utilise en général des études auxiliaires pour déterminer le poids d’un groupe homogène de malades (GHM) relativement à un autre GHM de référence, mais cela crée souvent des problèmes de fiabilité. De plus, certains coûts sont distribués dans l’ENC en fonction des durées de séjours hospitaliers. Or, cela ne tient pas compte des différences ni dans la gravité des cas traités ni dans l’intensité des soins médicaux pour un GHM spécifique.

De manière générale, l’expérience des autres pays montre que recueillir les données financières des établissements sans une évaluation détaillée des procédures utilisées, peut conduire à des informations défectueuses et, in fine, à une échelle de coûts biaisée.

Dans le contexte de la T2A, la mesure des coûts constitue évidemment un enjeu important pour tous les pays. En France, cette question est capitale pour structurer le débat sur la convergence tarifaire public/privé.

La gestion informatique des hôpitaux

Les hôpitaux sont passés – non sans peine – au dossier médical informatisé. Entre les réfractaires au changement, les problématiques de déploiement des logiciels et la méfiance dans ces nouveaux outils, l’évolution n’a pas été facile. La digitalisation ne sert pas uniquement la partie facturation mais bien toutes les données médicales des patients.

Que contient le dossier médical informatisé ?

L’article R1112-2 modifié par l’article 2 du Décret n°2016-995 du 20 juillet 2016 précise qu’ « Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé.»

Parmi les éléments devant au minimum figurer dans le dossier médical du patient hospitalisé, il distingue trois types d’informations dont seules les deux premières sont communicables.  « Les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l’établissement, lors de l’accueil au service des urgences ou au moment de l’admission et au cours du séjour hospitalier » ; puis celles « établies à la fin du séjour » et enfin celles « mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers.»

Les informations minimums devant figurer dans la première partie sont les suivantes :

  • La lettre du médecin qui est à l’origine de la consultation ou de l’admission ;
  • Les motifs d’hospitalisation ;
  • La recherche d’antécédents et de facteurs de risques;
  • Les conclusions de l’évaluation clinique initiale ;
  • Le type de prise en charge prévu et les prescriptions effectuées à l’entrée ;
  • La nature des soins dispensés et les prescriptions établies lors de la consultation externe ou du passage aux urgences ;
  • Les informations relatives à la prise en charge en cours d’hospitalisation : état clinique, soins reçus, examens para-cliniques, notamment d’imagerie ;
  • Les informations sur la démarche médicale, adoptée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-4 ;
  • Le dossier d’anesthésie ;
  • Le compte rendu opératoire ou d’accouchement ;
  • Le consentement écrit du patient pour les situations où ce consentement est requis sous cette forme par voie légale ou réglementaire ;
  • La mention des actes transfusionnels pratiqués sur le patient et, le cas échéant, copie de la fiche d’incident transfusionnel mentionnée au deuxième alinéa de l’article R. 1221-40 ;
  • Les éléments relatifs à la prescription médicale, à son exécution et aux examens complémentaires ;
  • Le dossier de soins infirmiers ou, à défaut, les informations relatives aux soins infirmiers ;
  • Les informations relatives aux soins dispensés par les autres professionnels de santé ;
  • Les correspondances échangées entre professionnels de santé.
  • Les directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11  ou, le cas échéant, la mention de leur existence ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice.

Les informations formalisées établies à la fin du séjour sont les suivantes :

  • Le compte rendu d’hospitalisation et la lettre de liaison remise à la sortie prévue par l’article  1112-1-2
  • rédigée à l’occasion de la sortie,
  • La prescription de sortie et les doubles d’ordonnance de sortie,
  • Les modalités de sortie (domicile, autres structures),
  • La fiche de liaison infirmière.