Vous avez inventé la boule de pétanque à carreaux automatiques, vous souhaitez être le seul à l’exploiter et il est hors de question qu’un concurrent vienne vous voler votre idée. Comment protéger son invention ? Comment exploiter cette innovation ? Créer une marque, comment et à quel prix ? L’idée générale est d’apporter la preuve qu’on est bien à l’origine d’une invention ou d’un concept par tout type de preuve dont la plus aboutie est le brevet pour les solutions techniques. Mais on ne brevettera pas un manuscrit si vous êtes aspirant écrivain.

Il faut tout de suite mettre fin à un préjugé : on ne protège pas une idée en soi. C’est la forme qu’elle prend qui peut être protégée : invention technique, marque, dessin, manuscrit etc. On ne peut pas protéger le fait de donner des cours de musique en ligne !

Le brevet protège une invention technique : « un procédé qui apporte une solution technique à un problème technique » comme l’explique l’INPI, l’Institut National de la Propriété Industrielle. Encore une fois, il n’est pas question de protéger une idée, mais de protéger les moyens techniques au service de cette idée.

Les critères de brevetabilité sont d’ailleurs stricts :

  • l’invention doit être nouvelle,
  • elle doit être « susceptible d’application industrielle », c’est-à-dire que son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, (art. L611‑15 du code de la propriété intellectuelle).
  • elle doit impliquer une activité inventive, ne pas être évidente pour un « homme de métier », ce qui signifie ne pas être un faux dérivé d’une méthode ou technique connue déjà appliquée (art L611-14 du code de la propriété intellectuelle).

Le brevet est un titre délivré à son détenteur qui lui confère un monopole d’exploitation de l’invention. Cela lui permet de s’opposer à son utilisation par un tiers. Ce monopole est territorial et temporaire. Ainsi,  en matière de territorialité, on applique la règle « un pays, un brevet » et le principe selon lequel le brevet délivré en France ne confère une protection que sur le territoire français.

La procédure de brevet protège pendant 20 ans à partir du jour du dépôt de la demande. Vous pouvez également demander un Certificat d’utilité, qui est le petit frère du brevet, moins cher mais dont la durée est de 6 ans maximum. Pour une demande complète de brevet en France, il vous faudra compter quelques centaines d’euros si vous êtes familier avec la propriété intellectuelle et la rédaction de revendications. En revanche, le coût sera plutôt de l’ordre de quelques milliers d’euros si vous devez passer par un conseil en propriété intellectuelle. En outre, plus vous étendez la protection, plus il vous en coûtera cher. Et ne soyez pas pressé, il vous faudra environ 3 ans…

Qu’est-ce qu’une invention nouvelle ?

Il n’y a pas d’obligation légale de rechercher la nouveauté d’une invention mais nous ne pouvons que vous encourager à le faire dès le début de votre recherche pour deux raisons :

  1. pour ne pas engloutir votre temps, votre énergie, et votre argent dans l’ « idée du siècle » qui a déjà été réalisée trois fois sous différentes formes (les vraies nouveautés sont rares, imaginez toujours avant de vous lancer que quelqu’un y a déjà pensé !)
  2. Déposer un brevet d’une invention déjà brevetée peut vous mener, dans le cas extrême, a un délit de contrefaçon.

Une application nouvelle est une application qui n’a jamais été rendue publique de quelque manière que ce soit : publiée sous forme d’un brevet, ou publiée dans une revue scientifique par exemple.

Regardons l’article L611-11 du code de la propriété intellectuelle : « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ».

Donc, l’antériorité comprend non seulement tout ce qui est publiquement disponible, mais également toutes les demandes de brevet en cours et non encore publiées. Une antériorité reprend les éléments constitutifs dans la forme et les fonctions d’une autre invention  de façon « suffisamment claire pour qu’un homme de métier puisse les reproduire » (art L611-10 du code de la propriété intellectuelle).

Il faut bien comprendre qu’un brevet est public : il est protégé. On ne peut pas le copier mais il est consultable. C’est pourquoi beaucoup d’entreprises choisissent de ne pas déposer de brevet pour leur invention, car le brevet oblige à dévoiler les secrets de fabrication. D’ailleurs la recette du Coca-Cola n’a pas fait l’objet d’un brevet ! Le cas bête, c’est l’ingénieur qui publie dans une prestigieuse revue scientifique le procédé révolutionnaire d’un carburant non polluant et qui veut ensuite le breveter pour l’exploiter : trop tard !

La recherche d’antériorité peut se faire des deux manières suivantes :

Fouiller soi-même les bases de données disponibles en faisant une recherche, dans un premier temps sur la base française : fr.espacenet.com et sur la base des statuts de brevets (brevets en cours) : www.inpi.fr/fr/services-et-prestations/bases-de-donnees-gratuites/base-statut-des-brevets.html, puis, dans un deuxième temps, sur la base mondiale à laquelle nous avons accès par l’Office Européen des brevets (OEB) (90 pays 70 millions de brevets) : http://www.epo.org/searching_fr.html. Il est évident qu’une certaine habitude de la lecture des brevets et de la recherche des spécifications, est utile pour ce type de prospection.

Si vous n’y connaissez rien, il vaut mieux commander cette recherche soit auprès d’un cabinet de conseil en propriété industrielle (annuaire : http://www.inpi.fr/fr/acces-rapide/annuaire-des-conseils-en-pi.html?no_cache=1), soit auprès de l’INPI lui même :
par mail : recherches@inpi.fr ou par courrier INPI- Direction des Systèmes d’information – Pôle prestations de recherches – 15 rue des Minimes – CS 50001 – 92677 Courbevoie cedex, soit en vous rendant à l’INPI directement  sur rendez-vous.

La demande comporte une description (la plus précise possible) de l’invention, voire une photo, un dessin, une impression 3D, l’étendue géographique de votre demande et vos coordonnées bien entendu. Demandez toujours un devis, les prix sont très variables en fonction de vos demandes (jusqu’à plusieurs milliers d’euros).

Tout n’est pas brevetable !

Ne sont pas brevetables les idées, nous l’avons dit, mais pas seulement : (liste non exhaustive)

  • les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques par exemple,
  • Les plans, principes et méthodes, comme les méthodes d’apprentissage des langues ou les règles de jeu,
  • les programmes informatiques en tant que tels (droit d’auteur),
  • les créations esthétiques : les dessins et modèles qui sont protégés par le droit de la propriété intellectuelle sont ceux qui ont une vocation industrielle,
  • les présentations d’informations : soit elles se limitent à une idée (pas de protection), soit elles sont des œuvres de l’esprit (par exemple des journaux), donc protégées par le droit d’auteur.

Par exemple, beaucoup de ce qui touche la biologie : procédés de clonage, utilisation d’embryons humains à fin industrielles, séquences génétiques, les races animales ne sont pas brevetables.

Le dépôt de la demande

Évidemment, le brevet passe par la constitution d’un dossier et l’établissement d’un formulaire de dépôt.

C’est l’élément principal du dépôt de brevet. Vous pouvez le faire seul, bien sûr. Néanmoins, nous vous encourageons vivement à vous rapprocher d’un conseil en propriété industrielle. En effet, la rédaction du brevet, notamment l’écriture des spécifications, demande des compétences juridiques et techniques complexes. Un dépôt mal rédigé vous protégera mal, et peut même conduire au rejet de la procédure si vous ne respectez pas les exigences requises ; il faudrait alors tout recommencer à zéro. Vous trouverez ici : http://www.inpi.fr/fileadmin/mediatheque/pdf/formulaire_brevet.pdf, la brochure explicative de la procédure de dépôt de votre brevet rédigé par L’INPI et notamment la manière de rédiger les revendications.

Le coût de la demande

Déposer un brevet coûte cher : le seul dépôt en France pour la première année (sans l’aide ou le conseil de qui que ce soit) vous allège de 622 euros :

  • 36 euros au titre du dépôt de brevet,
  • 500 euros pour le rapport de recherche (obligatoire sauf pour les certificats d’utilité)
  • 86 euros pour la délivrance du brevet
  • et 40 euros par revendication supplémentaire au-delà de la dixième (les revendications se situent après la description et les schémas, elles sont fondamentales car elles définissent la portée juridique de la protection du brevet comme les clauses d’un contrat).

Des réductions jusqu’à 50 % sont accordées :

  • aux personnes physiques ;
  • aux PME de moins de 1 000 salariés, dont le capital n’est pas détenu à plus de 25 % par une entité ne remplissant pas ces premières conditions ;
  • aux organismes à but non lucratif (OBNL) du secteur de l’enseignement ou de la recherche.

Par exemple, pour un brevet international (Patent Cooperation Treaty qui comprend 148 pays, parmi lesquels beaucoup de pays d’Afrique manquent) :

  • dépôt de 878 euros (papier) ou  746 euros (dépôt en ligne),
  • coût de la recherche internationale : 1 745 euros.

Ce type de brevet est le balbutiement d’une protection mondiale réelle : L’OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle) va vous permettre d’accéder à des arbitrages, des médiations, des expertises plus qu’une vraie protection. Pour être vraiment protégé, il faut faire valider son brevet par les instances des principaux pays : Japon, États-Unis par exemple. Le prix grimpe à plusieurs dizaines de milliers d’euros….

Mais pour l’extension à l’international, vous devez passer par l’INPI bien de chez nous.

Ensuite,  il vous coûtera 36 euros pour la deuxième année, jusqu’à 720 euros la vingtième année de taxes annuelles pour continuer de bénéficier de la protection.

Qui dépose le brevet et pour le compte de qui ?

Vous pouvez déposer le brevet à titre personnel bien entendu, mais aussi au titre d’une personne morale (société).

Vous pouvez également le faire déposer par un mandataire : conseil en propriété intellectuelle habilité (mention « brevet) ou un avocat.

Cela revêt une importance majeure dans le cadre d’un inventeur salarié : les droits sur l’invention reviennent soit à la société, soit au salarié selon les conditions de création.
90 % des inventions sont le fait d’inventeurs salarié. Deux situations se présentent :

  • soit les droits reviennent à la société qui dépose le brevet s’il s’agit d’une invention de mission (l’inventeur salarié bénéficiera alors d’une compensation) ou s’il s’agit d’une invention «hors mission» qui lui est attribuables,
  • soit le salarié dépose son invention pour son propre compte.

En règle générale, toute invention qu’un salarié réalise doit être déclarée à son employeur, même créée dans son garage le week-end. Faites-le, cela pourra vous éviter de très gros problèmes.

Ainsi, l’invention rentre dans une des trois catégories :

Invention de « mission » :

Réalisée par le salarié dans le cadre d’une mission confiée par l’employeur, généralement avec le matériel et les moyens mis à la disposition du salarié pour réaliser cette invention ; typiquement l’ingénieur en recherche et développement.

L’invention appartient à l’employeur et à lui seul. Le salarié recevra en fonction de sa convention collective de l’accord d’entreprise, ou de son contrat personnel une rémunération supplémentaire.

Invention hors mission attribuable :

L’initiative a été prise par le salarié, hors des missions confiées par son employeur notamment au travers de son contrat de travail.

Mais l’invention a un lien avec l’entreprise car l’invention s’est faite sur le lieu de travail, pendant les heures de travail, avec les moyens mis à la disposition du salarié, ou encore dans le domaine des activités de l’entreprise. Il se peut que l’invention, là encore réalisée dans son garage le week-end, mais avec des compétences clés acquises grâce à des moyens ou des techniques spécifiques à l’entreprise, soit reliée directement à l’employeur. Dans ce cas, l’invention appartiendra bien à l’entreprise et non à l’inventeur personne physique : l’invention est « attribuable ».

C’est la catégorie la plus complexe : l’employeur peut exercer son « droit d’attribution », et ce droit concerne l’invention dans son ensemble ou seulement certaines parties. L’employeur peut alors s’attribuer soit la propriété de l’invention, soit l’exploitation au travers d’une licence d’exploitation par exemple.

Invention hors mission non attribuable :

N’appartiennent pas aux deux premières catégories : ce sont les inventions réalisées sans lien avec l’employeur ou ses activités. L’invention appartient au seul salarié qui l’exploite et en tire seul tous les bénéfices sans équivoque.

Lire la suite de l’article