Comment fonctionne le marché de l’art ?

Depuis plus de 600 ans, l’art attire et passionne jusqu’à créer un commerce d’échanges à l’échelle mondiale. Les rouages de ce réseau restent toutefois mystérieux et poussent aux questionnements.

Le marché de l’art, qu’est-ce que c’est ?

Le marché de l’art est l’ensemble des échanges et transactions portant sur les œuvres et objets d’art. D’envergure mondiale, il est fractionné par pays, législations et diverses catégories basées sur la chronologie de l’histoire de l’art (art ancien, contemporain, classique, primitif, …). Depuis le XVIe siècle, ce commerce ne cesse d’évoluer. Aussi fascinant que fructueux, le marché de l’art attire de nombreux investisseurs et collectionneurs.

Un marché venu de la Renaissance

Au XVe siècle, le monde de l’art évolue grâce au Mouvement Humaniste qui engendre une appétence pour la connaissance et les objets d’art antiques. On passe de la notion de trésors à celle de collections par le biais des cabinets de curiosité, véritables petits musées de particuliers. On commence alors à répertorier les œuvres, créer des copies et définir quels objets sont dignes de collection.

 

Franz II Francken, A Collector’s Cabinet (Collection d’un cabinet de curiosités) 1625, peinture à l’huile sur bois, musée d’Histoire de l’art de Vienne, 53,2 x 73 cm (Image Wikipedia)

 

Apparu à la Renaissance, le marché de l’art se divise en plusieurs parties allant des commandes ecclésiastiques et princières, aux collections privées de la grande bourgeoisie voyant l’art comme un symbole de richesse et de pouvoir.  Au XVIIe siècle, les salles des ventes apparaissent et c’est à Londres que les ventes aux enchères sont régulées. De grandes collections privées naissent comme celle de Charles Ier d’Angleterre et du cardinal Mazarin. Cet engouement modifie le volume de l’offre, attise de plus en plus de curiosité et crée de nouveaux métiers. Au XVIIIe siècle, les maisons de ventes aux enchères naissent, certains noms demeurent encore aujourd’hui tels que la maison Sotheby’s et la maison Christie’s. C’est à cette époque que la question de la valeur d’un objet d’art interroge. L’art est discuté par les critiques, les philosophes et les collectionneurs. A partir du XIXe siècle, de grandes collections universelles sont créées grâce à des fonds nationalisés. C’est la naissance du Louvre de Paris, du musée de Munich ou encore de la National Gallery de Londres. Au milieu du siècle, le système de représentation d’artistes par les grandes galeries internationales est instauré. Au XXe siècle, on inspecte, catalogue, identifie et reconstitue les œuvres acquises ou mises en vente, le marché de l’art se mêle à l’histoire de l’art. Face à la médiatisation accrue du XXIe siècle, le marché de l’art ne cesse d’augmenter et enregistre des records historiques et mondiaux. Il suit aujourd’hui des vagues de modes et de plus en plus de combats sociaux. Le système fonctionne en vase clos et s’auto-alimente. Il existe différentes divisions et différents types de marchés créant des marchés internes comme celui des Fine-art (art dit « visuel »), des produits réels (tableaux, sculptures, …) ou encore des ventes de produits digitaux ou NFT.

L’art devient une marchandise comme une autre dans un marché comme un autre.

Une marchandise de choix

Sur le marché de l’art, on vend des œuvres de toutes les époques et de tous les mouvements artistiques, principalement des arts plastiques (peintures, sculptures, gravures, dessins, …).

 

 

 

En ce qui concerne la détermination du prix d’une œuvre, le marché s’organise en fonction de la relation entre l’offre et la demande, mais également en fonction de la rareté et de la renommée de l’artiste.

Le marché de l’art, un commerce en 2 temps

Celui-ci s’organise en 2 temps. Tout d’abord, le marché primaire qui concerne la vente d’œuvres entre l’artiste et le premier acheteur (collectionneur ou galerie d’art). Le second, dit marché secondaire, représente l’ensemble des ventes après la première cession (collectionneurs, musées, galeries, foires, …).

 

Décomposition du marché de l’art en deux secteurs
Comptazine n° 119 – Octobre 2022

 

Ces deux marchés se différencient considérablement par la gamme de prix et la gamme dœuvres d’art mises en vente. On observe souvent un écart significatif entre le prix de base d’une œuvre et son prix de revente, fixé librement par son nouveau propriétaire. Le marché secondaire fait également office de baromètre pour les prix des modes du moment. Cela sans forcément tenir compte du prix de base de l’œuvre, et par conséquent les prix flambent.

Les acteurs majeurs du marché de l’art

Le répertoire des acteurs

Le marché de l’art compte divers acteurs majeurs. Ils ont tous à leur manière un impact important sur le système.

 

Les acteurs du marché de l’art
Comptazine n° 119 – Octobre 2022

 

Leurs rôles et influences

Tout d’abord, l’Artiste ou l’Artisan d’art. Il s’occupe de la production de l’œuvre et de l’estimation du prix. Celui-ci doit être cohérent avec la réputation de l’auteur, le coût de fabrication, la taille, et le domaine artistique. La production peut être motivée par la volonté de création spontanée ou par une commande. Le Galeriste est souvent à l’origine de la commande. Cette collaboration est bénéfique pour l’artiste car elle lui confère une meilleure visibilité, des fonds pour ses créations et une certaine pérennité sur le marché. Dans sa galerie d’art, le galeriste choisit quelles œuvres seront présentées et quels artistes pourront être présents lors de la présentation de la collection. Il est assisté par les Commissaires d’exposition qui décident du placement des œuvres dans la galerie. L’objectif : créer une harmonie dans la galerie pour faire des ventes coup de cœur. Par la suite, le galeriste mettra en vente le reste de sa collection dans des maisons de ventes aux enchères, ou vendra directement à des collectionneurs, des foires ou à des Musées. La coopération entre les galeries d’art et les musées favorise l’entrée des artistes dans les expositions muséales. D’ailleurs, un musée peut avoir plusieurs artistes en collaboration renouvelant ainsi ses collections sans intermédiaire. Toutefois, les musées restent les plus difficiles à convaincre sur le marché car la faute d’achat est irréversible pour eux alors que les galeries ont plus d’indépendance. Grâce à cette liberté, elles mettent souvent en avant des artistes émergents. Les musées doivent également faire face à la concurrence des collectionneurs privés, de plus en plus nombreux sur le marché. Le galeriste peut aussi décider de placer ses œuvres dans les Maisons de ventes aux enchères afin de les vendre au plus grand nombre, en profitant d’une plus large visibilité.

 

Une vente aux enchères Sotheby’s

 

Lors d’une vente aux enchères, les cours de l’art sont à la baisse ou à la hausse en fonction des artistes. Grâce à une analyse précise des statistiques de ventes et du nombre de vues sur le site de la vente aux enchères, le galeriste peut connaître à l’avance la valeur de sa collection. L’objectif est de vendre l’art lorsqu’il est en bonne posture, ou a contrario, acheter l’œuvre de manière anonyme pour faire remonter sa cote sur le marché. Cette méthode est pratiquée jusqu’à un certain point car les finances de la galerie restent prioritaires sur la pérennité de l’artiste. Enfin, on retrouve les Collectionneurs d’art, ou investisseurs privés. Ces acheteurs ont une forte appétence pour les œuvres vues dans un musée, une foire ou une galerie. Tout ce qui est exposé dans ces lieux prend une dimension unique et donc une grande valeur monétaire. Les collectionneurs oscillent entre revendre leurs œuvres contre un gros profit, ou garder des œuvres qui pourraient potentiellement perdre de la valeur. Savoir vendre au bon moment pour faire un maximum de bénéfices est une des tâches ardues des collectionneurs-investisseurs d’art.

L’art : un marché mondial florissant

Aucune crise n’est à prévoir sur le marché mondial de l’art. Ce secteur enregistre une incroyable progression avec des records de ventes au cours de ces deux dernières années.

 

Des ventes records

Le marché de l’art connaît une augmentation fulgurante durant ces 25 dernières années et enregistre des ventes records. En novembre 2017, le tableau nommé Salvador Mundi de Leonard de Vinci est devenu le tableau le plus cher du monde. Son acquéreur, le prince héritier d’Arabie a déboursé près de 450 millions de dollars lors des ventes aux enchères à New York de la maison Christie’s. Depuis, le tableau n’a jamais été exposé et sa localisation reste inconnue.

 

    Leonard de Vinci, Salvator Mundi, vers 1500, peinture à l’huile sur bois, 65,6 × 45,4 cm (Image Wikipedia)

 

Ce portrait christique datant du XVe siècle a été peint principalement par Léonard de Vinci d’après les experts. En effet, une longue querelle a divisé le monde de l’art sur l’origine de ce tableau. Après de multiples expertises, le tableau est attribué à Leonard de Vinci avec la possible intervention de ses élèves : Bernardino Luini et Giovanni Antonio Boltraffio.  

Le monde de l’art poursuit sa croissance et explose en 2021 avec l’émergence des NFT (NON-FONGIBLE TOKEN).

Ce certificat d’authenticité infalsifiable et reconnu permet d’acheter une œuvre numérique, souvent créée par un artiste de renom. On possède soit une partie soit la totalité de l’œuvre. La vente la plus importante du nouveau marché des NFT est celle de l’artiste Beeple avec son œuvre numérique : Everydays: The First 5000 Days. Son œuvre s’est vendue lors des enchères de la maison Christie’s de New York pour plus de 69 millions de dollars, devenant la vente la plus importante de l’année 2021.

Mike Winkelmann (Beeple), Everydays: the First 5000 Days, 21 février 2021, œuvre numérique 21,069 × 21,069 pixels , Vignesh Sundaresan (Propriétaire), image Wikipedia

 

Véritable évènement, cette vente a créé un effet boule de neige. Aujourd’hui, le marché des NFT est devenu le nouveau marché en vogue attirant de plus en plus de collectionneurs et de jeunes artistes.

Si l’on se focalise sur l’année 2021, les ventes aux enchères d’œuvres d’art augmentent fortement :  

  • +60% comparées à 2020
  • +28% comparées à 2019

Elles totalisent à l’année 17,08 milliards de dollars à l’échelle mondiale.

 

Les pays aux plus hautes ventes

Le marché de l’art a beaucoup évolué depuis la crise sanitaire. La Chine est devenue un concurrent de poids pour les Etats-Unis dans la vente d’art contemporain passant de second à leader du marché en 2021.

La Chine représente 35% du marché avec 5,95 milliards de dollars de ventes, suivie de près par les Etats-Unis avec 5,79 milliards soit 34%. Le Royaume-Uni se positionne à la 3ème place avec 1,99 milliards soit 13% des ventes mondiales suivi par la France à la 4ème place avec plus d’1 milliard des ventes soit 6% des ventes mondiales.

Comptazine n° 119 – Octobre 2022

Top 5 des meilleures maisons de ventes dans le monde

Si le marché de l’art se porte si bien c’est grâce à la présence des maisons de ventes aux enchères partout sur le globe.  Il en existe une multitude mais 5 maisons se distinguent sur le marché mondial. Tout d’abord, la maison Sotheby’s. Elle est la plus ancienne maison de ventes aux enchères du monde en ouvrant ses portes en 1744. Elle représente à elle seule 4,4 milliards de dollars soit 26% du marché. En second, on retrouve la maison Christie’s. Maison de vente internationale d’œuvres d’art, elle totalise un complexe de 85 bureaux dans 43 pays. Avec 14 salles de ventes dans 14 mégapoles, elle réalise 4 milliards de dollars de ventes annuelles soit 24% du marché. À elles deux, ces maisons de ventes concentrent 50% du marché mondial. On retrouve ensuite la maison Poly Auction avec 824 millions soit 5% du marché, la maison China Guardian détenant 4% avec 678 millions de ventes, et enfin, la maison Phillips installée à Londres et fondée en 1796. Elle détient l’équivalent de 3% du marché de l’art avec 530 millions de ventes.

Ainsi, le marché de l’art mondial est un marché pérenne en perpétuelle croissance. Il est capable de s’adapter et d’utiliser des nouvelles technologies pour se diversifier et poursuivre son développement.

 

Le marché de l’art en France, croissance ou déclin ? 

Le marché d’art français

A l’échelle mondiale, la France se positionne à la 4ème place du marché d’art loin derrière la Grande Bretagne, la Chine et les Etats-Unis. Cependant, avec plus de 90 000 œuvres vendues en France en 2021, elle est en seconde position du classement mondial du pays ayant vendu le plus d’œuvres dans l’année, derrière les Etats-Unis. C’est forte de son réseau de maisons de ventes aux enchères que la France est capable de vendre autant d’œuvres annuellement.

Comptazine n° 119 – Octobre 2022

Elle possède notamment sur son territoire les deux maisons d’art les plus florissantes du marché à savoir la maison Sotheby’s et la maison Christie’s. Grâce à elles, le chiffre d’affaires des ventes aux enchères en France a dépassé le milliard de dollars en 2021 avec plus de 90 000 œuvres vendues.

Paris et l’art contemporain africain

Paris, ville lumière et capitale de l’art, conserve un attrait évident sur le marché de l’art ancien et moderne. Pour l’art contemporain, la capitale est devancée par New-York au niveau mondial et concurrencée par les manifestations européennes, comme celles de Bâle et Madrid. Cependant, elle est devenue depuis 2016, la nouvelle place forte de l’art contemporain africain.

La France a toujours été une grande consommatrice d’art africain détenant des collections parmi les plus importante du monde. Aujourd’hui, ce marché, toutes époques confondues, représente 150 à 250 millions de dollars. La ville de Paris se positionne à la première place du marché des arts anciens africains. Elle est également en première place des arts contemporains d’Afrique à l’échelle européenne avec plus de 50% des parts du marché.

Au premier semestre 2022, la seconde édition de la 1-54 Contempory African Art Fair, foire consacrée à l’art du continent africain, a fait son grand retour à Paris. L’exposition présentait 23 exposants internationaux et plus de 50 artistes africains mis en valeur dans les galeries de la maison de vente Christie’s. Ce nouveau souffle pour l’art africain fait exploser les ventes.

Statue Hemba buste, République démocratique du Congo, 48 cm, maison Christie’s

Conclusion

Le marché de l’art est donc un marché comme un autre aux marchandises d’exception. Sa prospérité à l’échelle mondiale attire de plus en plus de collectionneurs et d’investisseurs. En France, le marché de l’art progresse de manière exponentielle, laissant espérer de nouveaux records accomplis sur le territoire français.