Les cabinets d’expertise comptable ont bien changé. Fini le comptable dans son coin poussiéreux en train de classer des tickets. Avec son crayon toujours à portée de main, il annotait ses factures et autres justificatifs avant de les enregistrer… Fini, je vous dis ! Le comptable est High Tech. Bureau design et épuré, double écran, poste informatique dernier crie avec processeur ultra-performant, scanner de table… Et ça, c’est pour la partie visible, Côté back-office, serveurs internes avec commandes de sauvegardes sur cloud, gestion électronique des documents, dernière version d’Adobe Acrobat… Un véritable petit arsenal numérique pour traiter … votre comptabilité.

Mais pourquoi le comptable se met à jour ?

Le comptable ne fait que de se plier à la loi de l’offre et la demande qui commence à impacter son secteur. Comme vous le savez, l’expertise comptable est un marché protégé. Il faut être diplômé d’expertise comptable et s’inscrire à l’ordre pour pouvoir exercer en tant qu’expert-comptable et ainsi pouvoir « vendre de la comptabilité ».

Mais dans ce monde parfait, l’Ordre a tout de même constaté le doublement du nombre des dossiers de contentieux depuis 2012. L’exercice illégal de la profession prend de l’ampleur. « L’augmentation de ces contentieux a été facilitée via l’internet et la dématérialisation des services et avec l’arrivée du statut d’autoentrepreneur », explique Jean-Luc André, président de l’Ordre des experts-comptables de Normandie.

Nous n’oublions pas non plus les centres de gestion agrée qui consiste l’alternative la plus low-cost à un expert-comptable. Cette concurrence intestine entre professionnels a démarré dans les années 1980 et n’est pas prêt de s’endiguer. En effet, il faut compter simplement 100 € à 250 €par an pour bénéficier des services du CGA.
D’autres problématiques se posent aux experts comptables. La première, la démocratisation des transports et des télécommunications a permis de mettre en concurrence tous les experts comptables entre eux. Une étude réalisée par le site www.recherche-expert-comptable.fr a permis de constater que 10 % des experts comptables « cassaient les prix » en s’installant pour gagner leur clientèle.

Alors que faire quand un professionnel voisin casse les prix ? Faut-il s’aligner ? Faire une entente ? La question est vaste. Toujours est-il qu’internet et la possibilité, depuis 2007, de faire de la publicité permet de créer des vitrines sur internet, des affiches publicitaires sur le bord des routes ou tout simplement une grande vitrine de bureaux marquetées. Des agences de communication se sont d’ailleurs spécialisées dans ce secteur et réalise affiches, sites internet, plaquettes et autres supports de communication à destinations des experts-comptables. On peut citer par exemple, l’agence L’OlivCom (www.lolivcom.com) et CDKIT (www.cdkit.fr).

Toujours sur ce sujet de la concurrence interne, le nombre d’experts comptables croît. Ceux qui n’étaient encore qu’une poignée sont maintenant plus de 20 000 et très inégalement répartis sur le territoire. Ile de France, Rhône Alpes et PACA engrangent à eux seuls quasiment la moitié de tous les effectifs réunis. Forcément, comme tous produits ou services, c’est la rareté qui détermine le prix. On assiste donc en moyenne à une baisse de chiffre d’affaire et des résultats pour les petits cabinets d’expertise.

Pire encore ! Des cabinets « low-cost » débarquent sur le marché. Leurs offres sont en chute libre, tout comme les taux de marge des cabinets avoisinants. Petit détail tout de même, les offres low-cost ne cannibalisent généralement pas les offres existantes. Elles convertissent plutôt une nouvelle clientèle qui n’utilisait pas l’offre de référence, le plus souvent grâce à un prix plus attractif et/ou plus transparent. Il faut donc soit proposer une prestation «basique» au prix le plus bas possible et faire du volume, soit proposer des prestations différenciées et à forte valeur ajoutée.

Des nouveaux acteurs se présentent sur le marché avec la volonté de grignoter la visibilité internet de leurs concurrents. On peut immédiatement penser à Self-Med, qui propose une solution informatique pour tenir la comptabilité des professionnels de santé et réaliser leur télédéclaration de la 2035 ».

Dans le même style, de nombreux cabinets ont créés une « plateforme » pour leur client de comptabilité en ligne. Très souvent, cette plateforme s’apparente plus à un dépôt/stock de fichiers mais l’innovation doit bien commencer quelque part !

La concurrence est donc rude et vaste, nous n’avons même pas évoqué les stratégies de délocalisation de la tenue comptable par les cabinets pratiquant le low-cost… Pourtant, les experts comptables et les professionnels du secteur ne craignent pas l’ubérisation. Bien sûr, la crainte existe quand même mais il parait irréel pour bon nombre d’entre eux…

Et si Visa ou MasterCard pouvait tenir la comptabilité ?

Il n’y a qu’un pas à l’organisme bancaire pour pouvoir tenir la comptabilité de A à Z… A partir du moment où l’on dispose de votre relevé bancaire, des numéros de compte émetteurs et destinataires, Il suffirait que la banque soit informé de la nature de la charge ou du produit pour réaliser l’opération. Ainsi, achat, banque, vente, salaires et TVA… La plupart des écritures peuvent être déduites des opérations de trésorerie réalisée.

Avec ce système, on pourrait imaginer une comptabilité en suggestion. Une espèce de Tinder de la compta ! Je m’explique.

Je me fais prélever de 90€ par EDF. Que peut en déduire la banque ? Que j’ai 90 € dont xxx euros de charges à payer ? Difficile de comprendre autre chose.

J’encaisse un chèque d’une autre société. Il y a de fortes probabilités que ce soit un chèque relatif à une prestation ou bien vendus. La banque pourrait donc lister toutes les opérations bancaires et proposer des solutions de traitement automatique.

On imagine que sur son application bancaire, il existe un onglet traitement de la comptabilité. Dans cet onglet, en cliquant sur le compte choisi, on vous proposerait des affectations probables d’opérations et vous n’auriez qu’à slider vers la gauche ou la droite pour passer l’écriture telle qu’elle est le plus probable ou décliner la proposition.

Ainsi, 90 % des écritures récurrentes serait passées. On pourrait faire de la « paie à l’envers » et imaginer que la banque prélève directement les cotisations. Un système de prélèvement à la source simplifié…
Il n’y aurait plus qu’à télécharger ensuite les écritures sous format .txt pour les insérer dans un logiciel de compta… Ou pas ! L’application pourrait très bien continuer de proposer des charges constatées d’avance sur les écritures les plus probables.

Dans ces conditions, le prêt de trésorerie prendrait 1 minute pour se contracter et 5 secondes pour que la banque le valide et que l’argent soit disponible. Les charges administratives seraient envolées et les experts comptables ne réaliseraient que de l’audit et du conseil.

Réalité ou fiction ? Des applications existent déjà pour réaliser la plupart des opérations citées ci-dessus. Le chaînon manquant est uniquement juridique puisque seuls les experts comptables peuvent vendre des prestations de comptabilité…

Heureusement pour les experts-comptables, le marché est protégé. Mais jusqu’à quand ?