On enterre la hache de guerre avec Dame Nature ? La réponse est oui ! Le green deal est en route. L’Europe entend remporter la course à la neutralité climatique d’ici 2050. Pour cela, une feuille de route ambitieuse a été présentée en 2019 sous le nom de « Pacte Vert pour l’Europe ».

Les actions politiques sont maintenant concrètes puisqu’elles ont engendré un certain nombre de textes publiés. L’objectif de l’UE est maintenant affiché : Baisser de 55% les émissions de CO2 en 2030 par rapport à  leur niveau de 1990. Cet accord a été entériné entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE le 24 avril 2021 et publié le 14 juillet 2021.

Dans ce pacte, figurent notamment des modifications sur les transports afin de les rendre plus durables. Dans l’UE, la mobilité doit être plus propre, plus accessible et abordable, même dans les régions les plus reculées.

Les objectifs sont ambitieux en matière de réduction des émissions de CO2 des voitures et véhicules utilitaires légers neufs :

  • Réduction de 55 % des émissions des voitures d’ici à 2030 ;
  • Réduction de 50 % des émissions de véhicules utilitaires légers d’ici à 2030 ;
  • Zéro émission des voitures neuves d’ici à 2035.

Pour y parvenir, la Commission encourage le développement du marché des véhicules à faibles émissions et des véhicules à émissions nulles. L’installation des infrastructures nécessaires pour recharger les véhicules est également favorisée.

Toutefois, certains pays de l’UE ne sont pas entièrement d’accord avec cette politique. Par exemple, en France et en Allemagne, deux pays constructeurs de véhicules, le green deal en l’état ne convient pas.

Comment la Commission Européenne agit sur la réduction des émissions ?

Pour encourager une politique européenne réduisant ses émissions, l’UE légifère. Dans le cadre du paquet « Fit for 55 » (Ajustement à l’objectif 55), l’UE révise la législation en matière de climat, d’énergie et de transport afin que les textes permettent de tenir les objectifs climatiques convenus par le Conseil et le Parlement européen.

« Fit for 55 » est donc l’ensemble des textes visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Le paquet proposé vise à aligner la législation de l’UE sur l’objectif fixé pour 2030 tout en permettant :

  • d’assurer une transition juste et socialement équitable
  • de maintenir et de renforcer l’innovation et la compétitivité de l’industrie de l’UE tout en veillant à des conditions de concurrence équitables vis-à-vis des opérateurs économiques des pays tiers

et de soutenir la position de l’UE en tant que chef de file dans la lutte mondiale contre le changement climatique.

Qui décide ?

Les propositions du paquet « Fit for 55 » sont d’abord présentées et examinées au niveau technique, au sein des groupes de travail du Conseil chargés du domaine d’action concerné, avant d’être transmises aux ambassadeurs des États membres de l’UE. Des débats ont ensuite lieu afin de préparer le terrain en vue d’un accord sur les propositions entre les 27 États membres.

Les États membres de l’UE, représentés par leurs ministres au sein du Conseil de l’UE, sont chargés d’adopter la législation de l’UE, sur la base des propositions législatives présentées par la Commission européenne. Dans la plupart des cas, les actes législatifs sont adoptés conjointement avec le Parlement européen selon la procédure législative ordinaire.

Les ministres de l’UE, dans différentes formations du Conseil, procèdent ensuite à un échange de vues et cherchent à parvenir à un accord sur une position commune sur les propositions. C’est sur cette base que la présidence du Conseil entame ensuite avec le Parlement européen des négociations pour trouver un commun accord en vue de l’adoption définitive des actes législatifs.

Normes d’émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes

Dans ce « paquet législatif », la Commission propose de modifier les règles relatives aux émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes. Une des propositions fixe la réduction des émissions des véhicules de 55% pour 2030 et 100 % pour 2035. Cela signifie qu’à partir de 2035, il ne sera plus possible de mettre sur le marché de l’UE de nouveaux véhicules équipés d’un moteur thermique.

Pour le moment, la proposition a été examinée par le Conseil « Environnement » le 20 décembre 2021.

Qu’est-ce qu’une Zone à Faibles Émissions (ZFE) ?

C’est un dispositif, soutenu par l’Etat, destiné à faire baisser les émissions de polluants notamment dans les grandes agglomérations, pour améliorer la qualité de l’air et garantir aux habitants de respirer un air qui ne nuise pas à leur santé. Déjà adopté par 231 villes ou métropoles européennes, il est efficace pour réduire les émissions de polluants provenant du trafic routier, la voiture étant l’une des principales sources de pollution en ville.

Le principe est simple : limiter la circulation des véhicules les plus polluants dans un périmètre défini, par décision du ou des maires concernés. En France, pour circuler dans ces zones, une vignette Crit’Air doit être apposée au pare-brise. Elle permet de distinguer les véhicules en fonction de leur niveau d’émissions de polluants atmosphériques. Les plus polluants et les « non classés » ne pourront pas (sauf dérogations) rouler dans la ZFE dans certaines plages horaires.

Quid de nos voitures thermiques après 2035 ?

La réglementation est toujours plus contraignante avec les automobilistes. Entre la sécurité routière, la multiplication des ZFE (Zone à Faibles Émissions) et les propositions de nouvelles directives (élaborées et adoptées par la Commission européenne soumises au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen), les européens sont un peu perdus. Faut-il acheter un véhicule thermique ? Une voiture électrique ou plutôt un véhicule hybride ?

L’évolution législative relative au « Fit for 55 » est toujours en discussion entre le Parlement européen et les Etats membres. Certaines propositions radicales vont donc peut-être disparaître au profit d’une transition plus douce. Par exemple, l’interdiction de toutes les voitures à essence et donc des véhicules hybrides à l’horizon 2035, n’est pas vue d’un très bon œil par la France.

Dans tous les cas, en 2035, l’interdiction porte sur la vente des véhicules thermiques. Cela signifie que les véhicules essence (hybride compris) et diesel ne pourront plus être vendus à cette date. Néanmoins, les utilisateurs pourront en principe, continuer de rouler avec leur véhicule au-delà de l’échéance.

La date butoir n’a pas été choisie au hasard. Comme l’UE vise un transport complètement décarboné en 2050 et qu’elle estime qu’une voiture reste environ 15 ans fonctionnelle avant d’être mise à la casse, la date d’interdiction de mise en circulation de véhicules polluant doit être fixée à 2035. Et de toute façon, les grandes agglomérations émettent déjà de plus en plus de restrictions de circulation locales comme les zones à faibles émissions.

Quel avenir pour nos voitures thermiques ?

Etant donné que la règlementation n’est pas encore définitive, les propriétaires de véhicules polluants craignent de voir leur bien perdre en valeur. La valeur résiduelle des véhicules pourrait baisser drastiquement, surtout pour les véhicules déjà âgés.

D’ores et déjà, via de nombreux médias, il est conseillé de vendre son véhicule au profit d’un nouveau, électrique ou hybride. Actuellement, des aides financières existent pour changer de véhicule. 

Le bonus écologique et la prime à la conversion sont les deux aides de l’Etat pour un achat ou une location (pour une durée d’au moins deux ans) d’une voiture particulière peu polluante. Ces aides sont cumulables entre elles.

Le bonus écologique est une aide d’un montant maximum de 6 000 € pour l’acquisition d’une voiture électrique, neuve ou d’occasion, ou d’une voiture hybride rechargeable neuve.

La prime à la conversion est une aide à l’acquisition d’un véhicule peu polluant neuf ou d’occasion en échange de la mise au rebut d’une voiture ou d’une camionnette Crit’Air 3 ou plus ancienne (diesel immatriculée pour la première fois avant 2011 ou essence immatriculée pour la première fois avant 2006). Les montants d’aide sont dépendants du niveau de revenu. Vous pouvez bénéficier jusqu’à 3 000 € pour l’achat d’un véhicule Crit’Air 1 neuf ou d’occasion dont les émissions de CO2 sont inférieures ou égales à 132 g/km (ou 137 g/km si le véhicule a plus de 6 mois) et jusqu’à 5 000 € pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable neuf ou d’occasion.

La position française actuelle

Bien que la Commission européenne annonçait en juillet dernier son ambition d’aboutir au zéro carbone pour l’automobile en 2035, en interdisant à cette date la vente des véhicules thermiques, y compris hybrides, la France n’a pas dit son dernier mot. Renault Group et Stellantis (fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles) ont trop investi dans la technologie hybride pour accepter une règlementation trop contraignante. Emmanuel Macron essaye de promouvoir auprès de Bruxelles la filière automobile hybride qu’il juge comme un actif stratégique essentiel en demandant un sursis de cinq ans pour la vente des véhicules hybrides rechargeables. L’angle de cette défense étant de voir le véhicule hybride comme instrument de transition afin de ne pas « ajouter de contraintes à un secteur déjà sous pression ».

Cependant, cette position est difficile à défendre au niveau européen. En effet, l’Allemagne et plusieurs autres pays de l’UE sont favorables au Green Deal. Cette nouvelle législation ne gênera pas les constructeurs allemands qui pourront tout simplement continuer à commercialiser leurs véhicules thermiques sur les marchés américains et chinois. Tout le contraire des constructeurs français qui sont fortement dépendants de l’Europe. 

La France ne fait pas partie des signataires des engagements pris le mercredi 10 novembre 2021 au cours de la Cop26. Des pays et des régions ainsi que des constructeurs automobiles sont convenus de « travailler » pour faire en sorte que toutes les voitures et camionnettes vendues  dans le monde soient zéro émission d’ici 2040 et, au plus tard, d’ici 2035 pour les marchés leaders. Cette initiative dépasse donc les engagements prévus dans les propositions de « Fit for 55 ». Parmi les signataires, figurent quelques pays développés, dont le Royaume-Uni, l’Irlande, la Suède et Israël, -qui s’étaient déjà engagés à la fin des ventes des voitures à moteur thermique d’ici 2030 et la Norvège qui a pris cet engagement pour 2025.

Cependant, cette déclaration insiste sur le fait que cet engagement n’est pas contraignant.

La France n’est pas le seul pays à ne pas avoir signé. La Chine, les États-Unis, le Japon, ou l’Allemagne, parmi les plus importants pays constructeurs, n’ont pas rejoint l’initiative.

Les constructeurs, Toyota, Volkswagen et Renault-Nissan-Mitsubishi ne sont pas non plus signataires de la déclaration. Ford, Mercedes-Benz, General Motors et Volvo, qui avaient déjà des objectifs de sortie des moteurs thermiques, ont en revanche rejoint l’initiative.

Sur le fond, la plupart des pays ne sont pas contre la transition vers des véhicules électrifiés. Cependant, les constructeurs ayant investi dans la technologie hybride et leurs gouvernements ne souhaitent pas qu’une transition brutale s’opère. Subtilement, notre ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a d’ailleurs souligné : « Sur 2035, nous sommes d’accord sur le principe de la fin de la vente des véhicules non électrifiés ».

Dans ces conditions, l’annonce a été accueillie avec scepticisme par les ONG du climat, alors que le transport est l’un des principaux secteurs d’émission de gaz à effet de serre.

Dans sa feuille de route pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050 et ainsi limiter le réchauffement climatique  à +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) plaide pour la fin des ventes de voitures thermiques neuves dès 2035.

Est-ce que la France est prête pour l’électrique ?

La France n’est pas inactive face à l’urgence climatique

La loi d’orientation des mobilités a été publiée au Journal officiel le 26 décembre 2019. Cette loi transforme en profondeur la politique des mobilités, avec un objectif simple : des transports du quotidien à la fois plus faciles, moins coûteux et plus propres, avec notamment l’inscription dans la loi de la fin des ventes de voitures à énergies fossiles carbonées d’ici 2040, le déploiement de la recharge électrique ou encore le développement des zones à faibles émissions.

Nos constructeurs français sont sommés de se préparer. Même à marche forcée, il faudra bien que Renault Group et Stellantis passent au tout électrique. Les objectifs de l’Europe, toujours plus drastiques, contraignent les marques à faire diligence pour développer les gammes de modèles 100 % électriques. Pour information, Volkswagen et Volvo ont déjà présenté les plans les plus ambitieux avec, respectivement, 60 % de voitures électriques en Europe, et 100 % dans le monde, d’ici 2030.

En France, côté fiscalité, ça tâtonne.

Les prix des voitures électriques, même avec un bonus déduit, sont encore largement supérieurs à ceux des modèles à moteur thermique. La tendance pourrait toutefois s’inverser en fonction de la fiscalité associée aux ventes.

Le système de bonus/malus devrait permettre d’accroître les ventes de véhicules électriques. La croissance du marché permettra la démocratisation des véhicules à batterie, dont le coût des accus accumulateurs électriques devrait baisser à mesure que la production en masse s’accélère. Ainsi, petit à petit, les concessionnaires adapteront leur offre pour proposer de plus en plus de véhicules 100 % électriques.

Selon le groupe Stellantis, la parité pourrait être atteinte entre 2025 et 2030. D’après Volkswagen, le prix des voitures à essence devrait quant à lui, augmenter avec des malus gouvernementaux croissants, sans compter les amendes infligées aux constructeurs responsables de la mise sur le marché de véhicules dégageant trop d’émissions de CO2.

Le réseau de bornes n’est pas prêt.

Depuis 2020, malgré la crise sanitaire, les immatriculations de véhicules électriques connaissent une forte progression, contribuant à modifier en profondeur la composition du parc de véhicules français.  Les ventes de véhicules électriques et hybrides représentent au mois de juin 2021, 37,6 % du marché français contre 21,7% en 2020.

Ces ventes sont soutenues par un contexte réglementaire favorable. Le durcissement prévisible des réglementations sur les émissions de CO2 et sur les polluants (Euro VII) conduit en effet les constructeurs à anticiper leur sortie du moteur thermique. Ainsi, Renault a annoncé un objectif de 90% de ses ventes électriques en 2030. PSA annonce un objectif de 70% de ventes en électrique et hybride rechargeable en 2030.

Mais pour que la transition s’opère, il va falloir que les possesseurs de véhicules électriques puissent recharger leurs véhicules grâce à un circuit électrique spécialisé. Que ce soit sur un parking de à l’entreprise, au domicile ou dans un espace public…

À ce jour, le réseau n’est pas assez important : il se concentre principalement dans trois pays et ne compte pas assez de bornes. La Cour des comptes européenne a d’ailleurs épinglé l’UE à ce sujet. L’objectif fixé est d’installer un million de bornes de recharge d’ici 2025 et 3,5 millions en 2030. On est aujourd’hui loin du compte avec 260 000 prises disponibles à fin 2020.

L’UE compte installer 3,5 millions de bornes en 2030… Elle comptait 260 000 infrastructures disponibles à fin 2020.

Au global, la France compte plus de 4000 bornes haute et très haute puissance (2 700 points de charge ont une puissance supérieure à 50 kW et 1 100 ont une puissance supérieure à 150 kW) qui permettent une recharge en moins de 20 minutes. Depuis janvier 2021, le nombre de bornes à très haute puissance de 150 kW et plus a été doublé. Les bornes de 150 kW permettent d’anticiper sur les nouveaux modèles que les constructeurs mettront sur le marché dans les prochains mois

Pour soutenir et accélérer la transition, le Gouvernement s’est engagé à réaliser le déploiement de bornes de recharge sur l’ensemble du territoire. Les dernières données confirment l’amorce d’une dynamique, avec plus de 5 000 points de recharge ouverts au public qui ont été installés sur les 2 derniers mois. Auparavant, ce rythme n’avait jamais été atteint, comparé aux 3 000 à 5 000 nouvelles bornes installées par an durant les années précédentes. 

Alors qu’en décembre 2020, on comptait encore 32 700 points de recharge ouverts au public sur le territoire, on en dénombre 43 700 aujourd’hui, soit 11 000 supplémentaires installées en 6 mois et une hausse de 33% du nombre de bornes sur les six premiers mois 2021.

Au total, en comptant les bornes privées (chez les particuliers, dans les copropriétés, sur les parkings d’entreprises…), on atteint plus de 612 000 points de recharge répartis sur l’ensemble du territoire. Ce maillage fait de la France l’un des pays les mieux équipés d’Europe : plus de 20% des bornes installées en Europe se situent en France.

Toutefois, les chiffres annoncés ne sont qu’une goutte d’eau par rapport au parc automobile entier. Au 1er janvier 2021 en France, il se compose de 38,3 millions de voitures particulières, 5,9 millions de véhicules utilitaires légers (VUL), 600 000 poids lourds et 94 000 autobus et autocars en circulation.

Pour rappel, l’Union européenne préconise 1 point de recharge pour 10 voitures électriques. Il faudra donc compter en millions de bornes de recharge. Sans compter que ces bornes sont souvent en panne (1 recharge publique sur 4 présente des défauts selon les Numériques). Selon l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), il faudrait atteindre l’objectif d’un million de points de charge à travers l’Europe à l’horizon 2024 (soit près de quatre fois plus qu’aujourd’hui) et de trois millions en 2029. On est encore loin du compte. Enfin, la production électrique sera un sujet plus qu’essentiel et ouvrira de nouveaux débats liés à ces enjeux.