La mondialisation, tout le monde en parle, mais comment la définir concrètement ? qu’est-ce que ce terme recouvre et est-il si moderne que cela ? La mondialisation peut être vue comme un nouveau schéma dans l’organisation de la société humaine, une nouvelle donnée pour la compréhension des phénomènes économiques et sociaux de l’espèce humaine et l’utilisation des ressources naturelles. Mais elle peut aussi être vue comme la progression logique des relations entre les humains, entre les sociétés et les cultures, le développement d’un processus en cours depuis longtemps.

Le terme mondialisation

Le terme mondialisation vient, et cela ne surprendra personne, du monde anglo-saxon : c’est une traduction hasardeuse du terme globalization, qui à mon sens, recouvre mieux la définition de ce que l’on doit en percevoir. En effet, n’est-il pas bien aventureux d’y voir le Monde quand un quart de la population mondiale vit avec moins d’1 dollar par jour, que 2,4 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable (données de l’ONU) et que 60 % n’ont pas encore accès à Internet (données de L’Union Internationale des Communications) ?

Le mot Globalization est apparu dans les années 80 dans les journaux financiers américains et s’est rapidement imposé dans le vocabulaire contemporain. Il désigne un phénomène d’interdépendance de plus en plus fort des économies nationales, qui se matérialise par des échanges planétaires de biens, de services, de capitaux, mais aussi d’idées, d’informations ou de produits médiatiques. D’ailleurs, les conséquences de ces échanges mondiaux sont globales, touchant tant l’économie que la politique, et bien entendu à l’environnement. Elle est aussi caractérisée par la libre circulation de toutes les ressources et productions. Cette libre circulation a été accélérée au vingtième siècle par les nombreux accords de libre échange et de libre circulation dans le monde. Elle se poursuit encore aujourd’hui, par exemple, par l’accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis dont les négociations sont en cours.

Le processus de globalisation semble inéluctable, quand il n’est pas prédominant, comme c’est le cas depuis la chute du bloc communiste. On voit ainsi l’intégration de la Chine, et des autres anciens pays communistes, entrer dans le concert économique des nations.

Mot nouveau pour un phénomène ancien

A l’écoute des médias et à la vue des rayons des grandes surfaces, cette tendance semble irréversible, et contre elle la lutte est vaine ; un phénomène auquel il vaut mieux adhérer, et qu’il faut accompagner. Dans l’usage de ce mot est souvent ressentie la vague de libéralisme politique surgie après les trente glorieuses qui abat les frontières en détruisant les règlementations et favorisant la circulation des capitaux à tout prix, bien aidée par deux révolutions :

  • la révolution des transports qui réduit les coûts et les temps de parcours : le FMI estime à 70 % la réduction des coûts de transport maritime entre 1920 et 1990, et à 84 % celle du transport aérien,
  • la révolution informatique qui permet d’effectuer des opérations internationales facilement et rapidement, qu’elles soient commerciales ou financières.

L’histoire économique nuance cette vision puisque la globalisation ou la mondialisation, est un phénomène ancien, qui se développe avec force à partir des grandes découvertes du 15e siècle, dont la plus fameuse est la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492. Et ce phénomène n’est que la suite d’un processus qui a créé des économies locales, puis nationales : de villages à villages, de villes à villes, etc.

Les grandes découvertes maritimes sont à la fois des expéditions de découverte du monde et des routes commerciales à ouvrir, notamment suite à la prise de Constantinople par les turcs en 1453, qui oblige les Occidentaux à trouver une nouvelle route vers les Indes.

Les expéditions envoyées à l’autre bout du monde étaient destinées à aller chercher à la source les épices, le sucre, le coton, la soie, et ont permis l’installation de florissants comptoirs en Inde, à Java, à Sumatra, et bien entendu en Amérique. Les comptoirs étaient des territoires colonisés, uniquement destinés au commerce, et destinés à assurer un approvisionnement des denrées locales qui devaient retourner en europe pour y être vendues.

Il est d’ailleurs peu étonnant que l’ouvrage “Tractatus” du savant mathématicien Luca Pacioli, considéré comme le père de la comptabilité, soit paru à Venise en 1494, notamment pour le contrôle de la comptabilité des marchands.

La mondialisation prend un essor considérable suite aux révolutions industrielles, notamment au XIXe siècle. Selon les calculs de Paul Bairoch, la part de la production européenne qui fait l’objet d’une exportation est inférieure à 2 % en 1815 mais atteint 14 % en 1913, valeur proche de celle d’aujourd’hui : le PIB de l’Europe des 27 en 2012 est de 17 320 milliards de dollars pour une exportation (hors intra europe) de 2 167 milliards de dollars la même année, soit 12,5 %.

Cet essor s’accompagne de la mise en place d’une division internationale du travail où les pays occidentaux jouent le rôle de pays usines et exportent les produits manufacturés (biens d’équipement et produits de consommation), et où le reste du monde joue le rôle de producteurs de produits bruts : denrées alimentaires, matières premières, minerais.

Les flux de capitaux : première source de mondialisation

L’internationalisation des flux de capitaux est aussi à l’œuvre, et d’ailleurs, comme aujourd’hui, la croissance des flux de capitaux dépasse celle des échanges commerciaux : le stock de capitaux placés ou investis à l’étranger passe de 1 milliard de dollars vers 1820 à 48 milliards de dollars en 1913. Mais à la différence d’aujourd’hui, c’est l’Europe qui domine plus que largement les investissements financiers de l’époque : au début du XIXe siècle, l’Europe représente 90 % des capitaux exportés, dont la moitié vient de la seule Angleterre. C’est ainsi que ces flux financiers accentuèrent dès cette période la division internationale du travail, en finançant le développement des productions agricoles dans les colonies notamment. Les pays d’Europe exportaient également des équipements ferroviaires et des infrastructures portuaires qui permirent l’accélération des échanges internationaux.

On trouve en première place des financeurs en 1913 le Royaume-Uni dont les avoirs représentaient 18 milliards de dollars, soit plus de la moitié des avoirs mondiaux de l’époque ! Le Royaume-Uni, en privilégiant ses territoires de peuplement, a ainsi investi autant en Australie qu’en Inde qui comptait déjà 300 millions d’habitants.

La France occupait alors la deuxième place avec 9 milliards de dollars, et plaçait son argent principalement en Europe. L’Allemagne, pour sa part, occupait la troisième position avec 5,6 milliards de dollars d’investissements.

Cette internationalisation des flux de capitaux a été exponentiellement accélérée à partir de 1980, par les déréglementations mondiales des échanges de capitaux et de monnaies. On peut même dire qu’aujourd’hui un marché mondial unique des capitaux existe.

Cette globalisation des capitaux se fonde sur trois facteurs : la Désintermédiation, la Déréglementation et le Décloisonnement des activités financières, selon la règle des “Trois D” de la mondialisation financière identifiée par l’économiste Henri Bourguinat.

La désintermédiation

La désintermédiation signifie l’absence d’intermédiaire entre l’investisseur et les entreprises. Pour être clair, cela signifie se passer des banques pour se financer, et aller chercher l’argent des investisseurs directement par la bourse. La dette créée n’est donc plus de l’endettement bancaire, mais de l’endettement direct auprès d’investisseurs sous la forme de prêts (obligations) ou de capitaux investis.

Les grandes entreprises choisissent de plus en plus de se financer directement sur les marchés par l’émission d’actions ou d’obligations pour se procurer les ressources. Et les besoins de ces grandes entreprises sont devenus tels qu’elles doivent accéder à un marché mondial de ressources financières.

La déréglementation

C’est la principale responsable de la liberté de circulation des capitaux. La déréglementation est l’abolition des règles nationales qui visaient à contrôler les mouvements de capitaux.

On peut distinguer 6 types de contrôles :

  1. Contrôle du crédit ;
  2. Contrôle des taux d’intérêts ;
  3. Supervision bancaire ;
  4. Privatisations ;
  5. Contrôle des changes ;
  6. Réglementation des Marchés financiers.

Concrètement, déréglementer c’est ouvrir les vannes : les banques gèrent le crédit, le marché fixe les taux d’intérêts, on supprime un certain nombre de barrières à l’entrée, notamment en termes de supervision bancaire, on privatise les banques auparavant publiques (comme le Crédit Lyonnais, La Société Générale, le Crédit Commercial de France (CCF), etc.), on abolit le contrôle des changes (la monnaie flotte, c’est-à-dire que le marché fixe le niveau de la monnaie, et non plus des instances qui la maintiennent à une certaine valeur, mais cet état de fait n’est pas vrai pour encore bon nombre de pays comme la Chine ou le cours du Yuan est déterminé par les autorités chinoises et non par sa valeur économique), et on ouvre les barrières de nos bourses aux capitaux étrangers.

Le contrôle des capitaux étaient auparavant très lié au contrôle des changes qui permettait de contrôler le niveau des monnaies. Le contrôle des changes a été aboli en 1984 en France.

Le Décloisonnement

Le décloisonnement est l’aspect le plus technique des trois. Les marchés financiers étaient autrefois segmentés, les opérateurs étaient spécialisés sur leur marché respectif : banque de dépôt (la banque qui gère les comptes des particuliers et des entreprises) et banques d’affaires étaient bien séparées, le marché monétaire ne se mêlait pas au marché financier, le marché financier lui-même se scindait entre divers marchés qui opéraient très peu entre eux comme le marché obligataire (marché des obligations) et le marché des actions, ou encore le marché à terme, etc. Chaque marché avait sa finalité propre : le marché des changes permettaient le paiement des échanges par exemple.

Aujourd’hui les acteurs financiers, les banques notamment, mais aussi les fonds d’investissement ou d’autres acteurs, sont interconnectés et travaillent sur l’ensemble des marchés à la recherche du meilleur investissement, quel que soit le support de celui‑ci. Cela a considérablement accru la fluidité de chaque marché, et la technologie aidant, a permis l’émergence d’un marché mondial unique de capitaux.

On ajoute à ces 3D un quatrième, évident aujourd’hui, c’est la Dématérialisation des titres financiers. L’informatisation a un rôle majeur à jouer dans le cadre de la mondialisation qu’elle soit financière ou commerciale, on ne le répétera jamais assez.

Pour exprimer la réalité de l’accélération de cette mondialisation des capitaux, notamment depuis les années 70, on peut citer un chiffre : les investissements directs à l’étranger représentaient 0,4 % du PIB mondial en 1970, et représentent aujourd’hui 4 %.

L’internationalisation des flux commerciaux

La mondialisation se matérialise principalement dans nos vies par la mondialisation des marchandises et notamment par l’afflux massif de produits en provenance d’Asie.

En effet, le commerce international de marchandises représente actuellement un quart du PIB mondial, contre un dixième seulement en 1970. Entre 1948 et 1997, le commerce international a crû à un taux annuel de 6 %, alors que la production mondiale n’ a augmenté que de 3,7 % par an.

Selon l’OMC, le commerce mondial de marchandises représente 17 300 milliards de dollars en 2012, et a dépassé le niveau d’avant crise de 2008 de 16 100 milliards de dollars, alors qu’il était retombé à 12 100 milliards en 2009 au plus fort de la crise, sachant qu’entre 2008 et 2010 le commerce des produits manufacturés a augmenté en moyenne de 4,8 % par an.

Alors qu’elles ne représentaient quasiment rien il y a un siècle, les économies en développement (Asie, Amérique Centrale, Amérique du Sud), ont représenté en 2012 42 % du commerce mondial des marchandises et 35 % du commerce mondial des services. La Chine est devenue le premier exportateur mondial de marchandises en 2010, passant ainsi devant l’Allemagne et les États-Unis.

Selon le rapport 2013 de l’OMC, les États-Unis restent le premier importateur et exportateur mondial de marchandises, avec un commerce total de 3 881 milliards de dollars US en 2012. Leur déficit commercial est de 790 milliards de dollars US, soit 4,9 % de leur PIB.

La Chine suit de près les États-Unis, avec un commerce total des marchandises de 3 867 milliards de dollars US en 2012. Son excédent commercial était de 230 milliards de dollars US, soit 2,8 % de son PIB. L’Allemagne occupe la troisième place, avec un excédent commercial de 240 milliards de dollars US en 2012, soit 7,0 % de son PIB.

L’émergence des pays dits en développement est remarquable en 50 ans. Selon un rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), en 1950 le Brésil, la Chine et l’Inde, les trois pays du Sud faisant partie du BRIC, représentaient à peine 10 % du produit mondial, alors que les six principaux pays du Nord en accaparaient environ la moitié. En 2050, les trois pays du BRIC en prendront 40 % à leur compte, soit le double des six principaux pays du Nord. Le constat est clair et sans appel : ce que l’on nomme mondialisation des échanges est en fait une montée en puissance des pays en développement au détriment des vieilles économies, Europe en tête.

Si on ne voit la Chine que comme un exportateur féroce qui inonde le monde de ses produits, on entend rarement que la Chine est devenue le deuxième importateur mondial de combustibles et de minerais à la place des États-Unis en 2012 avec 533 milliards de dollars d’importations. La première place étant de loin réservée à l’Europe avec 1 034 milliards de dollars d’importations de ces produits. Il faut dire que les importations de pétrole des États-Unis ont fortement chuté en 2012 (- 7,1 %) en raison de l’augmentation de leur propre production de pétrole et gaz de schiste qui devrait les amener à l’autonomie énergétique d’ici 2020. Mais ceci est un autre débat.

Mondialisation : amie ou ennemie ?

Une chose est sûre, le monde n’a jamais autant produit de richesse, selon les Nations Unies : “en cas de distribution égale de la richesse, une famille moyenne (au niveau mondial, deux adultes et trois enfants) pourrait disposer d’un revenu de 2 850 dollars par mois”. Vous avez bien lu : 2 850 dollars par mois par famille. Cela doit suffire pour que tous les habitants de cette planète aient accès à des sanitaires, à l’eau courante et potable, à un habitat. Mais “un humain sur trois ne dispose pourtant pas de sanitaires les plus élémentaires, un sur quatre n’a pas d’électricité, un sur sept vit dans un bidonville, un sur huit a faim et un sur neuf ne dispose pas d’eau potable.” Un humain sur six doit faire avec moins de 1,25 dollar par jour. Il faut reconnaître que c’est un des bilans de la mondialisation.

La croissance des revenus durant le vingtième siècle a été remarquable : le PIB mondial par habitant a été multiplié par 5 (voir graphique ci-après). Mais le résultat est une répartition des revenus très inégale, où le PIB du quart le plus riche a sextuplé, quand celui du quart le plus pauvre a un peu moins que triplé. Et vous le savez bien, le point noir du développement est l’Afrique qui ne représente encore que 2 % des échanges mondiaux, alors qu’elle contient 14 % de la population.

D’ailleurs, l’aspect le plus improbable de la mondialisation, est que la puissance financière des pays développés (Chine incluse), permette à ces pays – grâce à des bourses puissantes comme celle de Chicago pour les matières premières, ou les contrats à terme à Londres – la fixation des prix des matières et marchandises produites par les pays du Sud (café, céréales, coton, minerais, etc.).

Une étude de l’INSEE (http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ecofra05b.pdf) concluait que “Sur la période 1995-2001, le nombre d’emplois délocalisés serait en moyenne d’environ 13 500 par an, dont un peu moins de la moitié à destination des pays émergents”, ce qui représente peu sur le marché de l’emploi français estimé à environ 1 million d’emplois par an. Alors 13 500 emplois ajoutés année après année, au bout de 20 ans cela commence à chiffrer, mais la mondialisation n’a peut être pas un impact négatif tel qu’on le ressent dans les médias.

 

Les notions

Les investissements directs à l’étranger (IDE)

définition

Les investissements directs à l’étranger (IDE) désignent les investissements par lesquels des entités résidentes d’une économie acquièrent ou ont acquis un intérêt durable dans une entité résidente d’une économie étrangère.
La notion d’intérêt durable implique l’existence d’une relation à long terme entre l’investisseur direct et la société investie et l’exercice d’une influence notable du premier sur la gestion de la seconde. Par convention, on considère qu’il y a intérêt durable et donc investissement direct lorsqu’une entreprise détient au moins 10 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise résidente d’un pays autre que le sien.
L’investissement direct comprend à la fois l’opération initiale entre les deux entités et toutes les opérations financières ultérieures entre elles et entre les entreprises du même groupe international.
Ces prises de participation peuvent prendre différentes formes, les principales étant : la création de sociétés ou d’établissements (investissements dits “greenfield”), les acquisitions et fusions, le réinvestissement dans les filiales étrangères des bénéfices que celles-ci réalisent (“bénéfices réinvestis”).
Source : www.‌tresor.‌economie.‌gouv‌.‌fr/82‌35_les-investissements-directs-a-l-etranger-ide

Graphe Niveau de revenu

Graphe Evolution du revenu mondial

L’anti-mondialisme

L’anti-mondialisme désigne l’opposition au Nouvel ordre mondial et à toute forme de mondialisme, c’est-à-dire à toute forme d’unification mondiale. C’est une idéologie défendue par divers mouvements et personnalités, comme les dirigeants du Venezuela, de l’Iran ou encore Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan en France.

L’altermondialisme met en avant des valeurs comme la démocratie, la « justice économique et sociale », la protection de l’environnement et les droits humains. Il s’agit donc pour ses acteurs de concevoir et d’œuvrer à une mondialisation maîtrisée et solidaire, par opposition à la mondialisation actuelle ou mondialisme.