Le COVID-19 n’a eu aucun impact sur la diminution d’actes de piraterie maritime au premier trimestre 2020. Il y a même eu une recrudescence de cas dans le golfe de Guinée, tandis que le phénomène semble fléchir autour de l’Indonésie.

Mais qu’entend-on par piraterie moderne ?

La piraterie moderne est définie par les lois internationales comme l’ensemble des activités maritimes illégales. Ces agissements illégaux sont souvent fondés sur la violence et la contrainte. Ils comprennent l’enlèvement de personnes avec demande de rançon, le vol, le meurtre et le sabotage. La piraterie moderne oblige les Etats à s’allier dans des missions de surveillance en faisant patrouiller des bâtiments militaires. Face à ce phénomène, dès les années 1990 les armateurs équipent de plus en plus leur navire : avec des alarmes silencieuses. A présent, ils ont recours à des sociétés de sécurité présentes directement à bord des bateaux. Sur le plan juridique, les lois nationales et internationales évoluent depuis les années 2000 afin d’enrayer cette forme de banditisme nuisible aux échanges commerciaux internationaux.

90% des échanges mondiaux de marchandises se font par voie maritime

Café, avocats, électroniques, véhicules automobiles : ce sont les navires cargo qui acheminent les marchandises dans le monde entier. On peut comparer les voies maritimes aux artères du monde et les navires à des cellules sanguines. Le transport maritime représente 90% des échanges mondiaux de marchandises. Le principe du conteneur est bien sûr à l’origine de ce résultat. Il facilite grandement les opérations de chargement et de déchargement des navires.

L’homme a ainsi inventé de gigantesques bateaux pouvant charger jusqu’à 18 000 conteneurs. Pour information, la plupart de ces conteneurs sont de taille standard pouvant contenir 25 000 kilos. C’est grâce à ces mastodontes des mers que la mondialisation est apparue. Ce sont actuellement les véhicules du commerce mondial sur les autoroutes des mers. Notons que ces porte-conteneurs ne cessent de grandir. Ils font aujourd’hui jusqu’à 400 mètres de long et 200 000 tonnes.

9 milliards de tonnes de marchandises sont transportées chaque année par près de 90 000 navires. Naturellement, c’est l’industrie du transport maritime qui est la première industrie mondiale. Elle est présente dans 170 pays et emploie plus de 1,65 million de marins et membres d’équipage. L’Organisation maritime internationale (OMI), où sont représentées toutes les nations maritimes, a été créée dans le but d’établir un cadre international pour un transport sûr et respectueux de l’environnement.

Les routes maritimes sont dessinées par les trois grands blocs Chine, Union européenne et États-Unis qui sont à la fois les premiers exportateurs et premiers importateurs mondiaux. Il existe une vaste voie est-ouest, sous-divisée en un chemin Transpacifique (Asie-Amérique), un chemin de l’Asie à l’Europe et, dans une moindre mesure, un chemin Transatlantique (Europe-Amérique). Ces routes maritimes sont particulièrement empruntées par les porte-conteneurs transportant des produits manufacturés. Les trafics de vracs liquides (notamment les hydrocarbures) tracent une route logique du Moyen-Orient et de l’Afrique vers l’Amérique, l’Europe et surtout l’Asie orientale. Des routes secondaires relient les continents les plus riches et l’Afrique occidentale, l’Amérique du Sud et l’océan Indien, mais l’évolution contemporaine du commerce a également conduit à l’institutionnalisation d’une nouvelle route, la sud-sud. Le développement du Brésil et de l’Afrique du Sud, les ressources minières de l’Australie, les ressources agricoles de l’Argentine ont inscrit ces pays dans de nouveaux tracés dont le point d’arrivée est souvent l’Asie.

Certaines routes passent par des points chauds. Ciblée par des pirates, les cargaisons et les marins peuvent être en danger dans certaines zones. Pour éviter cela, les acteurs du secteur sont en perpétuelles réflexions stratégiques pour diversifier les possibilités, en contournant des points de passage dangereux et répondre au défi de sécurité. Le changement climatique semble aussi rendre de plus en plus réaliste l’option de la route du nord-est : un passage où pourraient se frayer les navires parmi les glaces fondues. Enfin, la Chine, à travers le volet maritime de son projet des nouvelles routes de la soie, pourrait dessiner de nouveaux tracés.

Nous l’avons vu, le commerce maritime représente 90% du commerce mondial en volumes transportés et 80% en valeur. Près de 11 milliards de tonnes de marchandises ont circulé sur les mers du globe en 2017 contre seulement 550 millions de tonnes en 1950. Par comparaison, le fret aérien transporte à peine 2 millions de tonnes de marchandises.

Les porte-conteneurs, bien que lents, se démarquent par leur très grande rentabilité. Selon Armateurs de France, transporter 20 tonnes de l’Asie vers l’Europe coûte autant qu’un billet d’avion pour une seule personne sur le même parcours. Finalement, le transport ne représente que 1,5% du prix final du produit. Par exemple, un téléviseur d’une valeur de 700€ coûte 10€ seulement à transporter en bateau. L’évolution des porte-conteneurs et l’augmentation de la capacité de transport ont permis de diviser le prix du fret maritime par deux. De plus, une guerre des prix entre armateurs fait rage et fait baisser le prix du transport maritime tandis que le prix du fret routier et aérien reste stable.

Aujourd’hui, plus de 3 milliards de tonnes de pétrole et de gaz sont transportées par la voie maritime. Cela représente 60% des approvisionnements en produits pétroliers (près de 100 millions de barils par jour). Et c’est plus de 6 milliards de tonnes de biens manufacturés à moyenne et haute valeur ajoutée qui sont acheminés par conteneurs.

Selon le rapport de la CNUCED (Conférence Nations Unies sur le Commerce et le Développement) sur le transport maritime 2018, « si les conditions économiques de l’économie globale se maintiennent, les volumes dans tous les segments devraient augmenter, et les marchandises conteneurisées et les vracs secs enregistrer la plus forte croissance (un peu plus de 6%). Les échanges pétroliers et gaziers devraient progresser, quoique plus lentement que d’autres types de fret. »

C’est dans ce contexte que prolifère la piraterie maritime…

Les actes de piraterie ou de brigandage

Le nombre d’actes de piraterie maritime a sensiblement augmenté au cours du premier trimestre de l’année. Le Bureau maritime international (BMI), agence de la Chambre de commerce internationale (ICC), s’est vu signaler 47 attaques entre 1er janvier et le 31 mars 2020, contre 38 lors de la même période de l’année dernière.

Au cours de ces trois premiers mois, 37 navires ont été abordés et quatre ont subi des tirs d’armes à feu, tandis que six tentatives d’abordage ont échoué. Aucun détournement de navire n’a eu lieu, pour le deuxième trimestre consécutif.

Le Maritime Information Cooperation & Awareness Center (MICA Center), centre français d’analyse et d’évaluation de la situation sécuritaire maritime mondiale, a publié son premier rapport annuel et révèle qu’en 2019, dans le monde, un bateau est chaque jour victime d’un acte de piraterie ou de brigandage. Par piraterie, comprenez les actes de violence commis à des fins privées, en haute mer. Par brigandage, voyez un acte illicite, commis à des fins privées contre un navire, ou contre des personnes ou des biens à son bord, dans les eaux intérieures.

Sur la scène médiatique moderne, c’est le 4 avril 2008 que la piraterie moderne effarait le public. A cette époque, un grand voilier de croisière transitait par le golfe d’Aden pour rejoindre sa zone d’activité de printemps quand il a été abordé par un groupe de pirates qui a pris l’équipage en otage et réclame une rançon qui se chiffre en millions de dollars. Libéré quelques jours plus tard par une opération remarquable des forces françaises (commandos marine et GIGN), le Ponant révèle aux Occidentaux les menaces qui pèsent sur la liberté des mers dans cette région du globe, connue pour sa misère et son insécurité.

Depuis lors, la piraterie fait l’actualité chaque semaine et apporte son lot de mauvaises nouvelles. Le public est alors stupéfait de la violence de ces pirates, partagé entre l’étonnement de voir resurgir des pratiques qu’elle croyait réservées aux fictions sur grand écran et le scandale de constater que quelques « Gueux des mers » peuvent tenir en échec les marines les plus sophistiquées du monde…

La piraterie maritime n’est pas une nouveauté. Il y a une vingtaine d’années, elle sévissait en mer de Chine et dans le détroit de Malacca, sans pour autant attirer l’attention des médias occidentaux. De nos jours, tous les projecteurs sont braqués sur le golfe d’Aden et les côtes somaliennes alors qu’une piraterie bien plus dangereuse et violente sévit sur les installations pétrolières du golfe de Guinée et des eaux nigérianes.

La France a toujours souhaité jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la piraterie. En prenant conscience des enjeux et des risques et en agissant, notre pays contribue fortement à la lutte contre la piraterie. L’escorte des navires du programme alimentaire mondial (PAM), le long des côtes somaliennes, et l’engagement de la première opération navale de l’Union européenne sont des bons exemples.

La piraterie met en exergue l’importance d’avoir des routes maritimes sûres. Comme 90 % du commerce mondial transite aujourd’hui par la mer, l’enjeu est stratégique. L’économie mondiale est désormais étroitement liée à la maîtrise du milieu marin et sous-marin.

Au sein de cette problématique, la piraterie est l’exemple parfait de la menace asymétrique : elle provient de formations réduites, dotées de moyens légers et peu classiques et vise de gros bateaux, civils mais aussi parfois militaires. Conduite dans le golfe d’Aden avec des moyens dérisoires et un certain degré d’amateurisme, elle a eu un impact médiatique extraordinaire et généré une spectaculaire mobilisation de la communauté internationale, dans un relatif consensus.

La première réaction aux attaques de pirates a nécessairement été de nature militaire et navale, afin d’endiguer le péril et de protéger le plus directement possible les intérêts nationaux menacés. Pourtant, chacun s’accorde à dire que la piraterie n’est que le symptôme d’un mal beaucoup plus profond : la solution durable au problème est essentiellement politique et réside à terre, là où l’autorité des États riverains est défaillante et où la misère pousse les plus démunis à tenter d’attaquer la caravane qui croise à quelques milles de leurs côtes…

Consciente de l’importance du phénomène de la piraterie et de ses enjeux en matière de sécurité mondiale et de sûreté maritime, la commission de la défense et des forces armées a décidé, le 28 mai 2008, de créer une mission d’information sur le sujet.

L’histoire de la piraterie

La piraterie est un phénomène très ancien, qui connaît une évolution sinusoïdale selon la capacité des États riverains à contrôler l’activité de la population sur ses côtes, et notamment des mouvements rebelles ou dissidents. L’importance des actes de brigandage est donc fortement liée à l’impuissance des États et de leurs marines. Les techniques d’attaque ont cependant évolué : auparavant, les pirates partaient de la côte et attaquaient les bateaux les plus proches. Aujourd’hui, ils s’avancent très loin en mer et piratent parfois un premier bâtiment pour parvenir à leur cible, car ils ne disposent pas en propre de bateaux suffisamment puissants pour affronter la haute mer.

L’activité maritime est clairement menacée par ces attaques qui posent en outre un problème d’assurance pour la circulation dans les zones les plus dangereuses. Le principe séculaire de la liberté des mers se trouve à nouveau menacé, dans une époque où la mondialisation rend plus que jamais essentiel le trafic maritime.

Globalement, le nombre des attaques est en baisse mais les golfes d’Aden et de Guinée constituent deux zones « dures » où la violence des attaques augmente, ainsi que la durée de détournement et la professionnalisation des pirates. Au-delà des chiffres publiés par l’OMI et le BMI, qui peuvent varier selon la définition juridique retenue, la tendance est donc clairement à l’aggravation du phénomène.

Si l’on s’éloigne un tant soit peu des clichés hollywoodiens, les pirates, aujourd’hui, ne font plus rêver !

Des millénaires d’actes illégaux

« La piraterie, tout comme le meurtre, est une des branches de l’activité humaine dont on trouve le plus tôt des traces dans l’histoire. Les références que l’on y voit coïncident avec les premières allusions aux voyages et au commerce. On peut admettre que très peu de temps après que les hommes eurent commencé à transporter des marchandises d’un lieu à un autre, il se révéla nombre d’hommes entreprenants qui trouvèrent profit à intercepter ces produits au cours de leur trajet. Le commerce suit l’implantation du pavillon ; et le pillage, que ce soit sur terre ou sur mer, suit le commerce. ».

Les pirates sont apparus depuis que les hommes sillonnent les océans, c’est-à-dire en même temps que la navigation soit 5000 ans avant Jésus-Christ ! Dès l’antiquité, ces derniers sévissaient sur la mer Méditerranée, Au VIIIème siècle avant JC, ils s’attaquaient aux navires marchands des Grecs et des Phéniciens. Sans compas pour se repérer, ces navires marchands étaient contraints de longer les côtes pour arriver à bons ports, ce qui en faisait des proies faciles.

L’empire grec tentera bien d’éradiquer ces pirates, désormais considérés comme des bandits des mers sans jamais y parvenir. Leur activité est si florissante qu’ils construisent de véritables petits royaumes dans des îles comme la Crète. Puis ce furent les romains qui à leur tour entreprirent une véritable chasse aux pirates ; en 67 avant JC, Rome arme 5000 galères à cette fin. Le commandement de cette flotte est confié à Pompée qui, en quelques mois, extermine des milliers de pirates et détruit leurs repères. Mais là encore, il en faudra plus pour venir à bout de ce fléau des mers !

Durant le Moyen Âge, ce seront les empereurs byzantins qui essaieront de mettre fin à la piraterie, pour autant que la piraterie continue de leur donner du fil à retordre ! Surtout que les pirates ne seront plus seulement intéressés par les navires de commerce, ils détourneront des bateaux avec à leur bord des esclaves, afin d’en faire un trafic.

A partir du XIIème siècle, un nouveau commerce de produits précieux (la soie, les épices) qui attisent toutes les convoitises, se met en place notamment avec l’Asie. A la Renaissance, ce sont les marchands génois, vénitiens ou encore espagnols qui subissent l’abordage des barbaresques d’Afrique du nord. Leur chef, Barbe-Rousse, deviendra une légende !

Avec la découverte des Amériques et le développement de nouvelles voies maritimes entre l’Europe et le Nouveau Monde, l’Atlantique va devenir, à partir du XVIe siècle, un nouveau foyer d’activité prospère pour les pirates, essentiellement français et anglais. Parallèlement, les conflits européens trouvent une traduction sur mer avec l’invention de la « guerre de course ».

« La course était une guerre navale menée par les armateurs privés et leur armement maritime, au nom et pour le compte de leur roi. Elle consistait à attaquer et, si possible, à s’emparer de la cargaison des navires marchands battant pavillon d’une puissance ennemie déclarée pour détruire son commerce maritime et ses approvisionnements, tout en enrichissant la puissance qui effectuait la prise. Pour qu’une guerre de course fût licite, elle devait être fondée sur des ” lettres de marque ” royales et respecter l’objectif fixé par elles. Elles autorisaient en effet son porteur à s’attaquer exclusivement aux navires d’un pavillon ennemi […]. C’est ainsi que le corsaire était différencié du pirate. Il était, en quelque sorte, un auxiliaire de la marine officielle. ». La guerre de course connaîtra un âge d’or au XVIIIe siècle et ne sera abolie qu’au milieu du XIXe siècle.

Durant plusieurs siècles, la seule réponse que les États pouvaient alors opposer aux corsaires et aux pirates (aux méthodes tout à fait ressemblantes…) était la formation de convois de navires marchands escortés par des vaisseaux de guerre. Au début du XIXe siècle, Thomas Jefferson, président de la jeune nation américaine, tente, sans succès, de monter une intervention collective des puissances européennes pour faire cesser les attaques barbaresques en Méditerranée. Cette incapacité des puissances du vieux continent à s’entendre pour lutter contre une menace commune conduira les États-Unis à effectuer en 1821 leur première intervention au Proche-Orient : « …les trois premiers bâtiments de guerre de l’US Navy qui venait d’être créée […] traversèrent l’Atlantique, bombardèrent Tripoli et firent cesser la piraterie barbaresque. Du fait de la détermination de Jefferson, les États-Unis prenaient la décision d’intervenir hors de leur zone d’influence pour régler un problème que les puissances européennes avaient été incapables de traiter. ».

Le 16 avril 1856, les nations européennes s’accordent enfin pour proclamer, dans la Déclaration de Paris, la fin de la guerre de course. Celle-ci ne signifiant cependant pas la fin de la piraterie, les États-Unis (ainsi que le Mexique et l’Espagne) ayant refusé de s’associer formellement à cet engagement international, de peur que la fin de la guerre de course ne permette pas à une nation dépourvue d’une marine puissante d’assurer sa défense en mer.

Ainsi, même si l’US Navy est depuis longtemps devenue la première force navale du monde, le Congrès des États-Unis dispose toujours aujourd’hui de la possibilité, selon la constitution américaine, « d’accorder des lettres de marque et de représailles, et d’établir des règlements concernant les prises sur terre et sur mer […] ».

Face à la résurgence actuelle de la piraterie, l’histoire enseigne que plusieurs réponses sont possibles : les convois escortés, l’opération militaire, isolée ou collective, l’action diplomatique ou encore la guerre de course…

Pourquoi la piraterie ?

De façon assez schématique, trois conditions sont nécessaires pour permettre le développement de la piraterie :

  • un positionnement géographique propice (golfe, détroit, côtes désertiques ou découpées, mangroves, archipel) sur un point maritime de passage de richesses ;
  • une instabilité politique ou une autorité publique défaillante (État faible ou corrompu) ;
  • une population pauvre habituée à aller en mer (typiquement : des pêcheurs).

Un ensemble de facteurs plus conjoncturels permettent ensuite de comprendre comment une tradition préexistante peut être réactivée. Parmi ces facteurs, on peut noter que, depuis la fin de la guerre froide, la présence navale soviétique, et en conséquence américaine, sur les mers du globe ont fortement diminué, alors même qu’une richesse croissante circulait sur les océans, la mondialisation ayant entraîné une explosion du trafic maritime. D’autres facteurs liés à la modernisation du commerce par mer, comme le développement des porte-containers et la réduction du nombre des membres d’équipages, s’ils permettent de réaliser des économies, renforcent également la vulnérabilité des bateaux et de leurs cargaisons. Enfin, la chute de l’empire soviétique et la multiplication des conflits régionaux dans les années 90 ont entraîné la prolifération d’armes à bon marché dont le commerce prospère est aussi un des visages de la globalisation.

Ainsi, en 2019, le MICA center, créé en 2016 à Brest et dont les compétences sont mondiales, a recensé 360 évènements liés à la piraterie et au brigandage. Un chiffre stable depuis quatre ans mais deux fois moins important qu’en 2011 (668). Toutefois, certaines zones comme l’Asie du Sud-Est restent particulièrement touchées. Triste leader de ce classement, le Nigeria arrive en tête avec 54 actes recensés, devant Grenade (30), et l’Indonésie (30).

Le golfe de Guinée, zone de tensions

À lui seul, le golfe de Guinée concentre près d’un tiers (111) des actes de piraterie et de brigandage survenus dans le monde. « L’insécurité maritime reste élevée » dans cette zone, observe le rapport du MICA center. Dans le fond du golfe, on peut constater sur le rapport une recrudescence des enlèvements et le maintien d’un niveau de violence élevé.

Quant aux enlèvements, ils sont en forte augmentation depuis trois ans dans cette partie de l’Afrique. Au mois de décembre, ces faits se sont accélérés avec pas moins de cinq enlèvements, soit 53 otages. « Si ce mois reste pour le moment exceptionnel, il témoigne d’une augmentation des moyens employés. La durée moyenne de détention s’allonge: elle est désormais de 33 jours, avec un record de 58 jours », indique le MICA center. Ces actes sont l’œuvre majoritairement de « brigands locaux », explique-t-on.

Ce type d’attaques est de plus en plus fréquent sur la côte Atlantique de l’Afrique. Les pirates ramènent ensuite les marins à terre, d’où ils négocient des rançons. Dans ce cas précis, la compagnie propriétaire du bâtiment attaqué, Alison Management Corp., a promis qu’elle « ne reculera devant aucun effort » pour obtenir la libération des otages.

Selon le dernier rapport du Bureau maritime international de la Cour pénale internationale, publié à la mi-juillet, déjà 77 marins ont été kidnappés dans le monde par des pirates de la mer en quête de rançon entre janvier et juin 2020, dont 70 dans cette seule zone du golfe guinéen. Un chiffre semestriel qui augure une hausse sensible pour l’année en cours, alors que, selon la DGRIS (Direction générale des relations internationales et de la stratégie), ce sont environ 100 enlèvements en mer qui ont lieu en moyenne chaque année depuis 2016.

L’augmentation des actes de piraterie est aussi perceptible si l’on prend en compte les tirs contre des navires, les tentatives d’attaques avortées, les abordages et détournements de bâtiment… 68 événements de tout type ont été enregistrés par le Maritime Domain Awareness Trade – Gulf of Guinea (MDAT-GoG) ces six derniers mois, contre 53 lors des six premiers mois de 2019.

Une telle hausse des actes de piraterie s’explique difficilement, souligne Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime de Nantes-Saint Nazaire (ISEMAR), qui met l’accent sur la situation particulière du pays côtier le plus proche, souvent un État déficient. « Le Nigeria, en l’occurrence, est devenu le premier foyer d’actes de piraterie au monde sitôt qu’il a été déstabilisé, et ce au moment même où l’on commençait à maîtriser les deux autres foyers historiques, à Malacca et dans le golfe d’Aden », estime-t-il.

L’Asie et l’Amérique latine également touchées

Le Sud-est asiatique enregistre de son côté une hausse des évènements liés à la piraterie au cours de l’année 2019, avec 86 faits comptabilisés. « On observe en particulier de nouveau des attaques menées lors des transits dans le dispositif de séparation du trafic (DST) à l’ouvert du détroit de Malacca », détaille le rapport. Et d’ajouter: « Les brigands sont généralement armés de parangs, grands couteaux à lame recourbée largement utilisés en Indonésie, Malaisie et Philippines. Des armes à feu sont souvent employées lors des attaques reportées au sud des Philippines ».

De son côté, l’Amérique latine, est de plus en plus touchée par les actes de brigandage, visant les navires de plaisance. Ces attaques ont lieu dans des pays de l’arc antillais (Grenade, Saint-Vincent-et-les-Grenadines). Selon le MICA center, il s’agit principalement de vols commis au moment du mouillage des bateaux.

Des enlèvements en Afrique de l’Ouest

Le golfe de Guinée reste le théâtre de la majorité des incidents. Sept marins y ont été enlevés au cours de trois attaques, « à des distances comprises entre 45 et 75 milles nautiques », précise le centre de signalement de la piraterie (Piracy Reporting Center) du BMI.

En tout, ce sont 21 actes qui ont été perpétrés dans les eaux d’Afrique occidentale, soit 57 % du total mondial. Douze enlèvements ont été commis sur des navires en mouvement, en moyenne à 70 milles des côtes. Le Bureau maritime international insiste sur le fait que les pirates de cette zone sont généralement armés et dangereux et qu’aucune catégorie de navire n’est épargnée. « Ils s’approchent en vedettes rapides, abordant les navires pour voler les vivres ou la marchandise et enlèvent les membres d’équipages pour obtenir une rançon », détaille le BMI.

Alors que dix navires ont essuyé des tirs au cours de toute l’année 2019, quatre ont déjà connu le même sort en trois mois dans la zone économique exclusive du Nigeria, pays le plus dangereux du monde s’agissant de piraterie maritime. L’un d’entre eux était un porte-conteneurs qui faisait route à 130 milles de Brass et de l’embouchure du Niger. Les eaux du pays ont vu dix attaques se produire au cours du trimestre.

Sur la côte orientale de l’Afrique, les données du BMI confirment la disparition de la piraterie en Somalie, réduite quasiment à néant depuis plusieurs années. Aucun acte n’y a été rapporté depuis le début de l’année.

Singapour prisé par les voleurs

Le deuxième point chaud de la piraterie mondiale reste l’Asie du Sud-Est et en particulier l’Indonésie. Dans ce pays, « le déploiement stratégique de la police maritime a entraîné une baisse continue des attaques grâce à la coopération entre le BMI et la police indonésienne », estime le PRC. Cinq attaques de navires au mouillage ont été constatées au premier trimestre. L’organisme précise que ces incidents prennent souvent la forme de « petits larcins armés ».

En revanche, les cinq actes sur des navires navigants dans le détroit de Singapour sont à comparer à une absence d’attaques l’année dernière à la même période. Ces vols, généralement peu dangereux pour les marins, ont lieu dans des eaux particulièrement fréquentées par les navires marchands.

Dans le reste du monde, le BMI signale le kidnapping de cinq marins pêcheurs au large de la Malaisie en janvier ou encore la brève détention d’un gardien par un groupe de voleurs au large du Brésil.

La zone de mouillage de Callao, au Pérou est toujours problématique. Après les cinq incidents du dernier trimestre 2019, trois s’y sont produits entre janvier et mars 2020, au cours desquels deux hommes ont été blessés par des voleurs.

La lutte contre la piraterie maritime internationale

Le 8 décembre 2008, l’Union Européenne lança la mission Atalante, son opération militaire de lutte contre les pirates au large de la Somalie dans le golfe d’Aden, sous mandat de l’ONU. Elle regroupe six à huit navires européens et des avions de patrouille maritime.

Grâce à des rondes de contrôle régulières et à l’installation de gardiens armés sur les bateaux naviguant au large de Djibouti, l’opération Atalante a permis, en une dizaine d’années, de réduire les actes de piraterie entre la corne de l’Afrique et la péninsule arabique. En Asie du sud-est, c’est le centre de contrôle pour la sécurité des mers autour de Singapour (IFC) qui œuvre avec près de cent agences dispersées dans 41 pays.

La lutte contre la piraterie maritime internationale est à la fois préventive, coercitive et répressive. Elle implique d’abord le déploiement de moyens militaires et de dispositifs de renseignement pour sécuriser les voies maritimes à risque, et prévenir les attaques contre les navires marchands ou de particuliers. Cette tâche est habituellement celle des forces maritimes nationales ou internationales.

La lutte contre la piraterie requiert également la possibilité de conduire des opérations militaires visant la libération des navires capturés, ou la poursuite des pirates lorsqu’ils tentent de regagner leurs bases après leur forfait. Ces actions militaires peuvent permettre la libération d’otages, impliquant l’intervention des services de renseignement et de forces spéciales, ainsi qu’une coopération avec les autorités du pays où sont localisées les victimes. À cet égard, le soutien à la formation et à l’équipement des différentes forces des États côtiers concernés et l’organisation d’exercices conjoints sont essentiels.

Enfin, l’action répressive fait également partie de la lutte contre la piraterie, car les criminels doivent pouvoir être jugés et accomplir leurs peines. La coopération internationale est ici encore indispensable. Cela nécessite un travail en étroite collaboration avec les responsables des opérations militaires maritimes et les autorités judiciaires locales. La communauté internationale vise ainsi à développer les dispositifs législatifs, judiciaires et carcéraux pour réprimer la piraterie, tout en favorisant une coopération régionale. Des actions judiciaires à l’encontre des pirates capturés peuvent également être entreprises dans les pays dont sont originaires les victimes (exemple du procès des pirates somaliens en France en 2016).