Pour rebondir sur l’article de notre jeune collègue Marion Grapaud, à propos du bonus de Maurice Levy, je fus surtout surpris d’apprendre que cette rémunération n’a, apparemment, pas été votée par l’assemblée générale. Ma première réaction : « Que fait le CAC ? »

Même si je ne connais pas les statuts, ni le fonctionnement, du groupe Publicis, je suis étonné qu’une telle rémunération ne soit pas apparue dans le rapport sur les conventions réglementées entre un dirigeant et son entreprise présenté par le CAC, d’autant que chaque part variable depuis 2009 aurait du apparaître comme une rémunération due.

Reprenons depuis le départ. Pour éviter abus des dirigeants et conflits d’intérêt dans les entités, certaines conventions sont encadrées par la « législation sur les conventions réglementées ». Cette législation concerne tous les types de sociétés, mais également d’autres entités comme les associations, et visent à faire adopter par l’assemblée générale, les contrats conclus entre un dirigeant et son entreprise, ou entre cette entreprise et une autre entreprise ayant toutes deux des dirigeants en commun (je suis le PDG d’une société qui passe un contrat avec une SARL dont je suis le gérant. On voit vite la feinte…).

Le CAC doit présenter (généralement) un rapport spécial sur les conventions réglementées à l’assemblée générale qui présente les conventions qui lui ont été communiquées, ou qu’il aurait découvertes pendant sa mission.

 

CONVENTION OU CONTRAT ?

En préambule, un point de droit un peu technique. Un client m’a demandé un jour la différence entre une convention et un contrat, question à laquelle j’ai eu bien du mal à répondre à brûle-pourpoint. Et bien, en s’appuyant sur l’article 1101 du code civil, tous les contrats sont des conventions mais toutes les conventions ne sont pas des contrats.

La nuance proviendrait du fait que la convention peut produire des effets juridiques sur des parties non signataires de ladite convention alors que le contrat limite ses effets aux parties en cause. Mais je laisse aux juristes pure-souches le soin de corriger cela si besoin est.

 

TROIS TYPES DE CONVENTIONS :

Ceci étant dit, la « législation sur les conventions réglementées » regroupe en réalité trois types de conventions dont nous ne voyons que la première partie aujourd’hui : Les conventions interdites (L.225-43 du code de commerce pour les SA, L.227-12 pour les SAS, L.223-21 pour les SARL)

Il est strictement interdit pour les dirigeants d’une société ou d’une association :

  • De se faire prêter de l’argent par l’entité,
  • D’avoir un compte-courant débiteur dans l’entité, ou de se faire consentir un découvert sous quelque forme que ce soit,
  • De se faire consentir un aval, une caution ou une garantie par la société envers un tiers (si je ne rembourse pas l’emprunt de ma voiture personnelle, c’est la société qui le fera…)

Ne vous amusez pas avec ça ! Si la convention est assimilée à un détournement de fonds constitutif du délit d’abus de bien social, et alors soumis à l’article L.242-6 du Code de commerce qui puni ce délit d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 375 000 euros. De plus ces conventions peuvent être dénoncées par quelqu’un intéressé (un actionnaire, un autre dirigeant, un créancier social…) et frappées de nullité, c’est à dire comme si elles n’avaient jamais existés pour la société ; donc en plus je dois rembourser mon prêt…

En association, l’abus de bien social n’existant pas, il peut être caractérisé « abus de confiance ».

Évidemment, ces règles s’appliquent aux conjoints, ascendants, descendants et toute personne interposée. Si la société ne peut pas me prêter, elle peut le faire à ma femme… euh, non, voyez avec la case prison.

La quasi-seule exception à cette règle est si la société est une banque. La banque peut prêter de l’argent à son dirigeant, à condition que le prêt soit effectué dans des conditions normales, mais nous verrons cela dans l’article consacré aux conventions courantes conclues à des conditions normales.

A suivre…