La Société Civile Immobilière est un outil répandu utilisé pour la gestion du patrimoine immobilier, notamment au sein des familles. Elle est trop souvent perçue comme un outil de défiscalisation alors que les dernières modifications de la législation fiscale ont changé la donne. Cependant, le présent article n’a pas pour objet de faire un développement sur la fiscalité de la SCI. En effet, celle‑ci doit avant tout rester un outil de gestion patrimoniale permettant de  faciliter les transmissions au sein des familles et d’éviter les catastrophiques indivisions.

La SCI : une société civile

Les sociétés civiles sont régies par un ensemble de textes : les textes généraux dont notamment l’article 1832 et les règles générales dont notamment l’article 1845 puis les règles propres aux différents types d’activités et enfin le code de commerce qui s’applique sur certains points, notamment l’immatriculation.

Le 2e alinéa de l’article 1845 du code civil dispose « Ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet ». Une société civile est donc soumise au code civil. D’ailleurs, ne faisant pas d’acte de commerce, le code de commerce ne lui est applicable que dans une mesure très limitée (immatriculation, notamment). A contrario, les SAS, SARL ou SA par exemple, sont des sociétés commerciales par leurs formes mêmes.

S’agissant de la SCI, société civile dont l’objet est réduit à l’immobilier, il ne lui est pas possible de faire des actes de commerce comme par exemple, acheter des immeubles dans l’unique perspective de les revendre, sachant que si elle peut évidemment vendre les biens qu’elle possède, celle-ci ne peut pas en faire un commerce régulier. On notera par ailleurs, que posséder un bien immobilier et le louer non meublé est un acte civil alors que la location en meublé peut être un acte de commerce.

Des associés indéfiniment mais non‑solidairement responsables !

L’article 1832 du code civil définit la société civile comme suit : « La société est constituée par une ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter », ce qui ressemble fort à la définition des sociétés commerciales. Un point crucial les différencie cependant : les associés sont indéfiniment responsables des dettes mais non solidairement.

Indéfiniment responsables mais non solidairement signifie que les associés sont responsables sur leurs biens personnels à hauteur des dettes de la société civile, mais en proportion du pourcentage détenu par chaque associé. Cela signifie aussi que les associés de société civile ne sont tenus du passif social que conjointement. Si la société a une dette de 1 000 euros et que je possède 20 % des parts, je serai redevable de 200 euros et personne ne pourra venir me demander plus. Ainsi, si la dette est de 1 million d’euros, je devrai alors uniquement 200 000 euros.

C’est la grande différence avec d’autres formes de sociétés telles que les SARL / SAS / SA par exemple,  dont les associés sont généralement responsables à hauteur du capital qu’ils ont apporté, mais pas des dettes de la société sur leurs biens propres (sauf en cas de faute de gestion ou d’infraction pénale par exemple) ou encore la Société en Nom Collectif (SNC), également société de personnes, dont une des particularités du régime repose sur la responsabilité des associés puisque ceux-ci sont indéfiniment et solidairement responsables. Aussi, les créanciers peuvent-ils réclamer à l’un des associés, l’intégralité de la dette quel que soit le montant de son apport.

Vous l’aurez compris, dans une SCI, si le montant du capital social est sans importance finalement (il n’a même pas l’obligation d’être libéré) puisque les associés sont en risque sur leurs biens personnels, un capital doit cependant exister.

Néanmoins, dans une société civile, le créancier ne peut agir directement contre tel ou tel associé que s’il a « préalablement et vainement poursuivi la personne morale » ce qui suppose au moins une mise en demeure de la société et une tentative de saisie du patrimoine de l’entreprise

Il n’y a pas de condition particulière pour être associé dans une société civile (immobilière ou non). Un mineur non émancipé peut donc être associé sous réserve qu’il soit représenté par son tuteur ou son administrateur légal, ainsi que deux époux quel que soit leur régime matrimonial ce qui permet de réunir dans une SCI, le cas échéant,  toute une famille et au-delà si besoin.

Une personne morale peut également être associée d’une société civile tant qu’elle a une personnalité juridique (pas de société de fait ou de société en participation).

Des contraintes différentes

Si les statuts sont obligatoires et rédigés par écrit, ils sont très libres comparés à la plupart des sociétés commerciales et peuvent être adaptés à chaque situation. Ils doivent déterminer le nom de la société, le siège social, la durée et les modalités de son fonctionnement (nomination, révocation et pouvoirs du gérant, décisions collectives…). En revanche, la société civile doit s’immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) comme toutes les sociétés et fait l’objet des mêmes publicités : Journal d’Annonces Légales (JAL), dépôt aux greffes du Tribunal de commerce, enregistrement au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) et publication au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC).

Les associés étant engagés sur leur patrimoine personnel, il est facile de comprendre que les décisions importantes de la vie de la société doivent se prendre à l’unanimité mais les statuts peuvent prévoir une majorité. Les statuts doivent définir l’objet social de la société et les pouvoirs du gérant qui vont en découler. Si la gérance d’une SCI est obligatoire (un ou plusieurs cogérants), une autre différence fondamentale avec les sociétés commerciales réside dans le fait que la société ne soit pas engagée par les actes du gérant qui dépassent l’objet social.

Si l’objet social est, par exemple, « d’acheter un appartement rue de la Boétie à Paris et de le louer dans le cadre d’un bail non meublé », le gérant ne peut s’amuser à le vendre, à le louer en meublé, à acheter un autre bien ou autre. Si le gérant de la SCI accomplit des actes non conformes à l’objet social, il sera responsable de ses actes sans que les associés de la SCI ne soient engagés. En effet, les associés ne répondent que des actes définis dans les statuts qu’ils ont signés.

Si le gérant est majoritaire, il ne peut être révoqué par les associés. Seule une révocation judiciaire est alors possible.

Les sociétés civiles étant régies par le code civil, elles n’ont pas les mêmes obligations que les sociétés commerciales et sont d’utilisation plus souple au quotidien :

  • la tenue d’une comptabilité n’est pas obligatoire si la société n’adopte pas le régime de l’impôt sur les sociétés (une déclaration fiscale est obligatoire chaque année, il est donc fortement recommandé de tenir une comptabilité au moins en recettes/dépenses),
  • si le gérant n’est pas rémunéré (qu’il soit associé ou non), il n’est pas soumis à la cotisation minimale du régime des indépendants,
  • la SCI n’est soumise à la Contribution Foncière Économique qu’à partir de 100 000 euros de recettes,
  • Les SCI ne sont pas automatiquement soumises à la TVA (sur option),
  • Les assemblées générales ne sont pas obligatoires (mais elles sont fortement recommandées pour éviter les litiges).

 

La SCI, une arme contre les indivisions

L’indivision, c’est être propriétaire d’un bien ensemble. Les parents décèdent, les enfants héritent ensemble de la maison familiale. Prenons le cas d’une famille au sein de laquelle règne un dissentiment au point que les frères et sœurs ne se parlent plus depuis 10 ans alors que l’un d’entre eux veut vendre et pas les autres. Vous voyez le genre : impossible d’obtenir l’unanimité pour quoi que ce soit. La seule solution qui apparaît devient alors celle de vendre la maison et le patrimoine familial s’envole car selon l’article 815 du code civil « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».

En indivision, la gestion simple du bien peut devenir l’enfer : aucune réparation d’urgence, ou d’autres actes comme modifier un contrat, renouveler un bail à un locataire etc. ne peut se faire sans une majorité des deux tiers des droits indivis, et pour tous les autres actes, il faut l’unanimité. Cela devient vite compliqué.

Dans notre exemple, connaissant la situation entre leurs enfants, les parents ont anticipé le problème et créé une SCI dans laquelle les parents ont apporté le patrimoine immobilier. Le but est de prévoir des majorités dans les statuts qui permettent la gestion du patrimoine immobilier sans blocage, car dans la société civile, le départ d’un associé est prévu mais celui-ci est très encadré.

Le grand frère veut vendre ses parts à l’ennemi de la famille pour embêter son frère et sa sœur : impossible ! Les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de tous les associés (même si les statuts peuvent prévoir une majorité). Mais dans notre exemple, la société civile étant une société familiale, sauf dispositions contraires des statuts, les cessions consenties à des descendants (enfants, petits-enfants) ou des ascendants (parents…) ne sont pas soumises à agrément. Et les statuts peuvent même prévoir de dispenser d’agrément les cessions avec un associé déjà présent ou à son conjoint par exemple. Cette dernière option peut permettre de protéger un concubin survivant par exemple, alors que les enfants hériteraient du bien et pourraient obliger à vendre la maison en cas d’indivision.

Si les autres associés ne veulent pas que je sorte ?

En fait, vous pourrez quand même sortir : c’est le droit de retrait qui constitue un autre avantage par rapport aux sociétés commerciales. Même si personne ne veut de mes parts, je peux obliger la société à me les racheter. Dans ce cas, une décision de justice peut être prononcée pour un « juste motif ». La notion de juste motif va s’entendre en fonction de l’intérêt de la société : mésentente grave entre les associés, abus de pouvoir, mais aussi par rapport à des considérations personnelles concernant celui qui sort : besoins personnels de liquidité et impossibilité de négocier ses parts par exemple (cours d’appel de Paris 12 janvier 1983). L’associé, à qui une cession est refusée (ici le frère qui vend à l’ennemi de la famille, les deux autres refusent cette vente), peut se retirer malgré tout. Les autres associés rachètent eux-mêmes, ou font racheter par quelqu’un les parts du sortant. Ce droit de retrait permet d’une part, à l’associé minoritaire de sortir même si aucun acquéreur ne s’est manifesté, et donne d’autre part, une stabilité à la société en favorisant les départs en cas de mésentente. La valeur du ou des biens peut être déterminée par des experts désignés par le tribunal. En cas de décès d’un associé, la société n’est pas, en principe, dissoute ; elle continue avec ses héritiers ou légataires, sauf dispositions statutaires contraires ou renonciation à la succession par ces mêmes héritiers ou légataires.

Un outil de financement d’une acquisition

Enfin, la SCI est un outil de financement de l’acquisition d’un bien. La banque aura moins de réticence à prêter à une SCI puisque les associés sont plusieurs au sein de la structure ce qui renforce la solvabilité et accroît largement la surface financière. Les banques apprécient ces montages qu’elles jugent moins risqués que le prêt à une personne seule.

Cet emprunt de la SCI peut se faire dans le cadre d’un investissement locatif, mais aussi permettre de se « vendre à soi‑même » son bien (Owner Buy out) pour se dégager des liquidités ou se refinancer : la SCI emprunte la somme auprès d’une banque et achète son propre patrimoine, même si des considérations fiscales entrent en jeu.